Un juge retraité de la Cour supérieure du Québec examine actuellement les dossiers personnels de tous les prêtres, qu'ils soient actifs ou retraités, de cinq diocèses du Québec afin d'y découvrir «tout possible indice d’abus sexuel sur des mineurs ou des personnes vulnérables».
L'archevêque de Montréal a confié, fin 2020, ce mandat de vérification au juge retraité André Denis. «Et pas seulement les prêtres», indique Mgr Christian Lépine. Les dossiers des «évêques, eux aussi» seront tous scrutés ainsi que ceux du personnel pastoral présentement en poste.
Depuis le mois de décembre, le juge retraité de la Cour supérieure du Québec a accès à tous ces documents personnels qui se trouvent aux évêchés de Joliette, Saint-Jean-Longueuil, Saint-Jérôme et Valleyfield, ainsi qu'à l'archevêché de Montréal.
«Je souhaite que le juge Denis nous dise, au meilleur de sa connaissance, s'il y a ou non des prêtres ou des évêques qui sont dans le ministère et pour lesquels il y aurait eu des allégations avec insuffisances de suivi ou de vérification», explique Mgr Lépine en entrevue téléphonique.
Si les dossiers révèlent que d'une ou des personnes sont soupçonnées d'actions inacceptables, «elles seront aussitôt suspendues pendant la tenue d’une enquête approfondie». Si les allégations ne sont pas fondées, le prêtre «retourne à son ministère».
«Avec moi, c'est tolérance zéro», déclare l'archevêque. «Si quelqu'un a été coupable d'abus sexuels contre des mineurs, il ne pourra plus exercer de ministère pour le reste de sa vie.»
Le 25 novembre 2020, lorsque la juge retraitée Pepita G. Capriolo avait dévoilé ce qu'elle avait découvert durant son enquête sur la réception des plaintes contre l'abbé Brian Boucher, condamné à la prison en 2019, Mgr Lépine avait annoncé qu'il entendait dorénavant examiner le contenu des dossiers personnels de tous les prêtres de son archidiocèse.
«On aurait bien pu mener ces vérifications à l'interne», reconnaît l'archevêque. «Mais le rapport Capriolo a mis en évidence qu'à l'interne, on a des limites, des fragilités et des lacunes.»
C'est pourquoi il n'a pas hésité à faire appel, de nouveau, à l'expertise d'un juge. «Un juge est capable de voir ce qu'il y a dans un dossier mais aussi ce qu'il manque. Si on a des devoirs à refaire ou des clarifications à obtenir, il va nous le faire savoir», dit l'archevêque.
Les évêques de Valleyfield, Saint-Jérôme, Joliette et Saint-Jean-Longueuil vont aussi recevoir un rapport relatif à leur propre diocèse du juge Denis. Ils se sont engagés à lui permettre d'avoir un accès complet aux dossiers de tous les prêtres qui y ont été incardinés (ordonnés par l'évêque diocésain) ou qui y ont oeuvré.
Mgr Lépine a confié un second mandat au juge retraité André Denis. Il lui a demandé, après la rédactions de ses rapports aux évêques diocésains, de réaliser un audit statistique relatif aux abus sexuels de tous les prêtres, vivants ou décédés, des cinq diocèses, toujours en se basant sur les informations déposées dans leurs dossiers. La période couverte va de 1940 à 2020. L'archevêque promet que «les résultats de cet audit statistique seront rendus publics».
Suivi au rapport Capriolo
Le lundi 15 février 2021, Mgr Christian Lépine a aussi annoncé que le comité de mise en œuvre des recommandations du rapport Capriolo a entrepris ses travaux le 12 janvier. Ce rapport compte 31 recommandations dont celle-ci: «qu'un seul dossier papier complet soit conservé à la chancellerie pour chaque membre individuel du clergé et que ce dossier soit immédiatement accessible à tous ceux qui ont un rôle de supervision» sur ce prêtre.
La juge recommande aussi «que le dossier individuel de chaque individu contienne une référence à tout document qui doit être conservé dans les archives secrètes». Les archives secrètes, des documents à consultation très restreinte, comprennent des «informations préjudiciables», comme des lettres de dénonciation ou des expertises professionnelles.
Douze personnes, dont la juge Pepita G. Capriolo, font partie de ce comité. Trois avocats en font aussi partie, une victime et survivant, ainsi que la professeure Karlijn Demasure, la directrice du Centre interdisciplinaire pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables de l'Université Saint-Paul, une sommité mondiale sur la question des abus dans l'Église catholique.
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