L'an dernier, le mercredi 23 septembre 2020, le curé Alain Roy avertissait ses paroissiens de ne pas se présenter à l'église Saint-Joachim le dimanche suivant. Quelques jours plus tôt, le ministre de la Santé et des Services sociaux avait décrété que seules 25 personnes seraient autorisées à entrer dans les lieux de culte situés en zone orange.
«Comment refuser l'accès à toutes les autres personnes qui se présenteront?», s'était alors demandé le curé de cette paroisse de l'Ouest-de-l'Île de Montréal . «Il n'a jamais été question, pour mon équipe et moi, de les refouler à la rue.»
C'était donc il y a six mois.
La semaine dernière, le premier ministre François Legault a déclaré que les lieux de culte pourront dorénavant recevoir 250 personnes, soit dix fois plus qu'à l'automne 2020.
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Mais n'allez pas croire que le curé de la paroisse ait sauté de joie en entendant cette annonce, faite dix jours avant la fête de Pâques. Dimanche dernier, à Saint-Joachim, on a plutôt célébré le dimanche des Rameaux directement dans le compte YouTube paroissial.
«Il faut comprendre que ce ne seront pas 250 personnes qui pourront entrer dans notre petite église», explique-t-il. Ce sont plutôt entre 60 et 100 personnes si l'on tient compte des règles de distanciation. «Chez nous, on n'a que 66 bancs utilisables par chaque bulle familiale d'une, de deux ou de trois personnes.»
Dans cette église de Pointe-Claire, quelque 400 ou 450 fidèles se rendent habituellement aux cérémonies du Jeudi saint et du Vendredi saint. «Je fais quoi avec les 350 personnes que je ne peux laisser entrer dans l'église?», lance-t-il. «Pastoralement, cette situation est ingérable.»
De plus, le jour même où le premier ministre reçoit son vaccin, «il déclare que la troisième vague a commencé» et qu'il est très inquiet devant la menace des variants. «Alors, si on a si peur d'une telle flambée des cas, n'allons pas déconfiner les écoles secondaires, les salles de spectacle et les lieux de culte», martèle l'abbé Alain Roy.
«François Legault pourrait bien changer d'avis d'ici Pâques», estime le prêtre diocésain qui a entendu les objections de plusieurs experts et médecins.
«À quelques jours de Pâques, nous, on n'a plus le temps de tergiverser. Pour organiser la participation du plus grand nombre, il faut mettre sur pied des équipes d'accueil et de désinfection des lieux.»
«Tout cela me semble trop précaire. Je ne vais pas jouer au yo-yo avec nos gens», dit-il.
«Les jours saints, cette année, ont été planifiés pour se dérouler sur YouTube.» À Pâques, il n'y aura donc qu'une messe à Saint-Joachim plutôt que les deux qui, année après année, rejoignent plus de 1000 fidèles.
«La messe de Pâques va débuter à 10 h», annonce-t-il. «J'offrirai la communion ensuite.» Et c'est ainsi depuis un bon moment à Saint-Joachim. Après la messe sur les réseaux sociaux, l'abbé Roy est disponible à l'avant de l'église, durant une heure, pour ceux et celles qui veulent venir communier.»
Ce sont 200 personnes, chaque semaine, qui se présentent d'abord à l'arrière de l'église Saint-Joachim - «pas plus de dix à la fois», s'empresse de préciser le curé -, lavent leurs mains, prennent leur feuillet paroissial et leur Prions en Église du jour et même du prochain dimanche, déposent leur enveloppe de quête puis marchent dans l'allée centrale jusqu'à l'entrée du chœur où l'abbé Roy les reçoit. «Je leur donne la communion puis ils sortent par les côtés.»
Dimanche prochain, à Pâques, beaucoup plus de gens vont se déplacer à l'église Saint-Joachim pour recevoir la communion, croit l'auteur de l'essai Une Église sans domicile fixe.
«Personne ne va s'attarder mais chacun et chacune aura eu l'occasion de réchauffer la fraternité paroissiale.»
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