Otage de Boko Haram durant 57 jours, la religieuse québécoise Gilberte Bussière dévoile dans un livre publié en Italie des détails sur sa capture, ses conditions de détention et sa libération. L'ouvrage qui lève le voile sur l'expérience spirituelle vécue pendant sa détention sera bientôt disponible en français et en anglais au Canada.
Deux ans après son enlèvement dans le nord du Cameroun, elle a signé, conjointement avec ses deux compagnons de captivité, le livre Rapiti con Dio, Due mesi prigionieri di Boko Haram (Otages avec Dieu, Deux mois prisonniers de Boko Haram - notre traduction), un récit publié en italien en décembre 2015.
Le livre d'une centaine de pages est cosigné par Gianantonio Allegri et Giampaolo Marta, deux prêtres missionnaires enlevés à Tchéré le même jour que la religieuse de la Congrégation de Notre-Dame.
Rapiti con Dio est préfacé par Mgr Giancarlo Maria Bregantini, archevêque de Campobasso-Boiano, célèbre pour son combat contre la 'Ndrangheta, la mafia calabraise.
C'est Gilberte Bussière qui a rédigé la plus grande partie du livre. Elle a pris soin de consigner les événements qu'ont vécus les trois otages, de la nuit de leur enlèvement le 4 avril 2014 jusqu'au jour de leur libération le 31 mai 2014.
«Sœur Gilberte, avec son écriture simple et directe, nous raconte le quotidien d'une victime envahie par mille pensées et incertitudes, mais toujours éclairée par la lumière de la foi», écrit Mgr Bregantini.
Bientôt disponible en français
Le journal de soeur Bussière a été traduit en italien ce printemps. Il sera publié bientôt, en français et en anglais, par la Congrégation de Notre-Dame. Celle-ci n'a toutefois pas encore confirmé de date de parution.
«Le 4 avril 2014, à 22h45, nos ravisseurs arrivent à la mission de Tchéré», a écrit soeur Bussière dans son journal. «Six hommes armés se fraient un chemin vers la maison des pères Giampaolo et Gianantonio afin de les prendre en otages. Au même moment, un autre groupe de six hommes armés entoure ma maison.»
Une longue chevauchée sur des routes périlleuses les attend.
«On nous a donné une seule natte que nous avons placée sous trois tamarins [de grands arbres]. Nous avons remercié Dieu parce que nous étions ensemble, et non séparés, pour vivre cette expérience douloureuse», a-t-elle noté le lendemain, le 5 avril, dans ce lieu qu'elle qualifie d'auberge aux mille étoiles.
De la Visitation à la libération
Le 57e jour de leur captivité, le 31 mai, soeur Gilberte rappelle que c'est la Fête de la Visitation, une journée célébrée chaque année dans sa propre congrégation religieuse. «Le jour commence donc par une prière à Notre-Dame. Nous lui demandons de nous visiter et de nous libérer.» C'est précisément ce jour-là, alors que les trois otages partagent un repas festif composé de macaroni et de sardines, qu'arrive un chef de Boko Haram qui lance un sonore «good news». On viendra dans quelques heures les chercher afin de les libérer.
Leur départ «se fait dans l'obscurité tandis que les lumières des véhicules sont éteintes», raconte-t-elle. «Notre chauffeur est maladroit et nous craignons de ne pas arriver au lieu où se fera l'échange des otages.»
Après une longue attente, la religieuse explique que des membres du Bataillon d’intervention rapide du Cameroun, des militaires, prennent en charge les otages et les conduisent à l'aéroport de Maroua. La religieuse et les deux prêtres italiens, libérés après deux mois de détention, y sont accueillis par le président camerounais Paul Biya et les ambassadeurs du Canada et d'Italie.
Expérience de foi
Depuis sa libération et son retour au Canada, la religieuse Gilberte Bussière est restée discrète sur son expérience. Elle n'a jamais accordé d'entrevue sur les événements d'avril et de mai 2014. Au début de l'année, lors d'une conférence sur l'esprit missionnaire et la fondation de Montréal organisée par le centre Le Pèlerin de Montréal, elle a toutefois raconté le quotidien de sa captivité.
«Notre dépouillement matériel était très difficile. Nous n'avions rien, seulement le linge qu'on avait sur le dos. Mais j'ai découvert que, quand on n'a rien, Dieu est tout ce qu'il nous faut», avait-elle déclaré.
Lors de cette conférence, elle avait toutefois soigneusement évité de donner des détails sur les dernières heures de sa captivité ainsi que sur les conditions de sa libération. Dans Rapiti con Dio, elle dévoile - sur cinq pages - son départ de cette auberge aux mille étoiles, située à la frontière du Cameroun et du Nigéria.