Samedi, l'encan des biens de l'église Sainte-Élisabeth de Hongrie s'est fort bien déroulé. «Cela a été très, très bien», indique, au téléphone, Éric Bordeleau, propriétaire de Jakibi, la plateforme d'enchères électroniques qui a offert les 94 lots - sur les 108 précédemment annoncés - de cette église de Lanaudière récemment vendue, pour la somme de 1 $, à la municipalité de Sainte-Élisabeth.
«Oubliez les lots plus difficiles à vendre comme les chaises de réunion. Mais tous les autres objets, j'appelle cela les souvenirs de l'église, ils ont tous trouvé preneur. Au-delà de 80 % des objets mis en vente.»
Un tel résultat n'étonne pas cet encanteur qui est souvent appelé à vendre des biens de paroisses ou encore de congrégations religieuses. «Autant les églises connaissent des difficultés ces temps-ci, autant l'appartenance à la culture et à la religion est toujours aussi forte. Les objets religieux sont toujours très populaires.»
Combien la paroisse a-t-elle pu obtenir samedi avec les quelque 75 lots qui ont finalement été achetés en ligne? «Je n'ai pas encore reçu les chiffres», dit-il. Mais dès qu'il les obtiendra, il les transmettra aux responsables de la paroisse. Éric Bordeleau ne doute pas qu'ils en seront très satisfaits.
Des lots sensibles retirés
N'empêche que jeudi dernier, ce sont 108 lots qui étaient annoncés sur Jakibi. Vendredi, puis samedi, le jour de la vente, il n'en restait plus que 94, la paroisse ayant demandé de retirer les œuvres d'art d'Yves Tessier (1800-1847), deux ostensoirs du XIXe siècle, trois autres pièces d'orfèvrerie, deux autels latéraux et le tabernacle du maître-autel de la toute première église Sainte-Élisabeth de Hongrie, des pièces qui allaient certainement être adjugées à des prix très élevés.
«Pourquoi en est-on arrivé là? Je ne le sais pas», dit le propriétaire de Jakibi. «Est-ce que des autorisations de vente n'auraient pas été demandés?», lance-t-il aujourd'hui. Il ne connaît pas non plus la réponse. «Mais quand de telles situations se présentent - et ce n'est pas rare, dit-il - c'est certain qu'on collabore avec les gens qui nous ont confié ces biens. On est là pour faciliter la vente et appuyer les gens dans leur démarche. On travaille pour les communautés, les églises et les congrégations, c'est ça notre mandat premier.»
Procédure à clarifier
Il indique qu'il a discuté vendredi avec des responsables du diocèse de Joliette qui ont convenu qu'ils devront eux-mêmes clarifier leurs propres procédures avant de vendre les biens des paroisses et des églises qui doivent fermer. «Il y aura un débreffage», a-t-on assuré à M. Bordeleau, «et je me suis porté volontaire pour aller les rencontrer».
Le diacre Paul-André Desrosiers, le coordonnateur de la fabrique de la paroisse Saint-Martin-de-La-Bayonne, qui regroupe notamment la communauté de Sainte-Élisabeth, n'avait pas encore reçu, lui non plus les résultats de la vente de samedi. Il a suivi sur Internet le déroulement de l'encan «mais on ne voyait pas quel montant obtenait chacun des lots».
Concernant le retrait de certaines œuvres, il explique qu'il y a plusieurs mois, il a discuté avec les autorités du diocèse de Joliette de la vente des biens de cette église lorsqu'elle avait été offerte à la municipalité pour la somme de 1 $. «Je leur avais demandé quoi faire avec ces tableaux, s'ils avaient de la valeur. Idem pour les autels. On m'a alors dit: 'Trouve quelqu'un pour faire un encan. Ce sont des copies'.»
«Quand tu demandes [un conseil] à des gens qui sont censés connaître cela et qu'ils te répondent que tu peux les envoyer à l'encan... C'est ce que j'ai fait», explique-t-il.
Il reconnaît que jeudi et vendredi n'ont pas été des journées reposantes pour lui puisque plusieurs intervenants du monde muséal l'ont contacté lorsqu'ils ont appris que l'église mettait à l'encan notamment cinq grandes peintures d'Yves Tessier, «un excellent copiste, peut-être le meilleur de sa génération», selon l'historien de l'art Laurier Lacroix.
«Cela a visiblement réveillé des choses», dit Paul-André Desrosiers. Il explique qu'il aura dès cette semaine une rencontre avec un spécialiste du Musée national des beaux-arts du Québec. Il viendra à Sainte-Élisabeth examiner les autels qui ont été retirés de la vente.
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