Cheryl McDonald a quitté son banc et a pris place à l'avant de la petite l'église Saint-François-Xavier de Kahnawake. Elle tenait contre elle la photo d'une jeune femme. Celle de sa soeur Carleen.
«Cela fait 27 ans que je souffre, que l'on souffre en silence», a-t-elle confié à l'assemblée, réunie à l'occasion du troisième anniversaire de la canonisation de Kateri Tekakwitha.
En octobre 1988, le corps de Carleen, 25 ans, était retrouvé par un chasseur. Sept semaines plus tôt, la famille, qui habitait Akwesasne, un territoire mohawk à la frontière du Québec, de l'Ontario et de l'État de New York, avait alerté les autorités policières afin de signaler la disparition de la jeune femme.
«Un soir, notre soeur est partie. Et elle n'est jamais revenue.»
«Avant cette année, je n'avais jamais parlé publiquement de ce qui est arrivé à notre sœur. C'est l'héritage d'un meurtre. Cela nous enlève la voix, cela nous réduit au silence.»
Au cours des trente dernières années, 1200 femmes des Premières Nations ont été assassinées ou ont été portées disparues au Canada.
Bien qu'elle n'ait pas été, selon ses mots, «baptisée catholique», Cheryl McDonald n'a pas hésité une seconde à venir à Kahnawake quand elle a appris, sur Facebook, qu'une marche à la mémoire des femmes Autochtones, assassinées ou portées disparues, se tiendrait lors des célébrations entourant l'anniversaire de la canonisation de Kateri Tekakwitha.
«Ici, c'est mon sanctuaire», lance-t-elle, regardant le tombeau de la première sainte autochtone de l'Amérique du Nord. «J'ai grandi auprès de Kateri.» Sa mère, Agnès Beauvais McDonald - la mère de Carleen -, et sa soeur, Mary Ann, l'accompagnaient.
Après son témoignage, l'assemblée a entonné le Notre-Père en langue mohawk.
Un peu plus tôt, les vingt-cinq personnes présentes au sanctuaire de Sainte Kateri Tekakwitha ont marché silencieusement, un flambeau à la main et au son du tambour, dans les rues de Kahnawake.
Escorté par les Peacekeepers, le corps policier de Kahnawake, le groupe a ensuite formé un cercle de prière, derrière l'église, sous un grand portait de sainte Kateri.
Kateri Tekakwitha a été canonisée par le pape Benoît XVI, trois cent trente-deux ans après sa mort. «La canonisation de Sainte Kateri est un grand honneur et un heureux événement pour les nombreux Nord-Américains et Autochtones qui chérissent le témoignage de sa foi ainsi que la force de son caractère», avait déclaré, le 21 octobre 2012, le premier ministre canadien Stephen Harper.