Au début de la cérémonie de commémoration annuelle de Yom Hashoah - le souvenir de l'Holocauste - une responsable a invité les 1200 personnes dans la synagogue à demeurer assises, à garder le silence et à ne pas applaudir après les témoignages qui seraient entendus dans les prochaines minutes.
Mais quand Guta Fleising, 95 ans, a déclaré qu'elle était aujourd'hui «la fière grand-mère de sept petits-enfants et l’arrière-grand-mère de plus de vingt arrière-petits-enfants», des applaudissements et des murmures remplis d'admiration se sont faits entendre mercredi soir dans l'enceinte de la Congrégation Tifereth Beth David Jérusalem, à Montréal.
Née à Varsovie, en Pologne, Guta Fleising est la seule survivante d’une grande famille. Elle a survécu «à cinq camps de concentration et à une marche de la mort».
Avec son mari, épousé en 1946, et leur enfant, sa nouvelle famille a trouvé refuge dans des camps de personnes déplacées. Puis, «nous avons appris que le Canada acceptait des tailleurs comme immigrants», a-t-elle raconté. «Nous sommes arrivés à Halifax en janvier 1948. La traversée à bord du navire de marchandises était déplorable.»
C'est à Montréal que cette survivante de l'Holocauste a refait sa vie. «Mon plus grand plaisir est de recevoir des appels de mes petits-enfants de Montréal, Toronto, des États-Unis d’Amérique et d’Israël. C'est pour cette raison que ma vie a été prolongée», a-t-elle confié.
Cinq autres survivants de l'Holocauste ont aussi pris la parole. Après leur témoignage, ils ont allumé six bougies en mémoire des six millions de juifs qui ont été tués pendant l’Holocauste.
Orphelin et survivant
«Non, je n’ai rien oublié», dit Léon Celemencki, 75 ans. Né en France en 1940, il explique que sa mère, en 1942, sera «déportée dans un wagon à bestiaux dans le convoi No. 6 à Auschwitz» et que tous les membres de sa famille, «mes grands-pères, mes grands-mères, trois oncles, sept tantes, cousins et cousines, ont été exterminés dans les camps d’Auschwitz et de Treblinka».
Quant à son père, il avait rejoint, avant même sa naissance, «une brigade juive de 25 000 soldats dans la légion étrangère pour combattre les Allemands».
«Devenus orphelins, mes deux sœurs et moi sommes alors placés dans différents orphelinats».
En 1945, le père et les enfants sont réunis, après trois années de séparation. Mais, «mon père, qui gagnait sa vie comme marchand forain, ne pouvait pas garder trois jeunes enfants, alors il nous a placés avec un couple âgé catholique à la campagne».
«Ils nous emmenaient chaque dimanche à l’église», se souvient-il. «Mais ils étaient vraiment gentils avec nous et nous les appelions grand-mère et grand-père.» Deux ans plus tard, Léon Celemencki et ses sœurs sont placés dans un orphelinat juif près de Paris.
«Je suis venu au Canada en 1963 après avoir été démobilisé de l’armée. J’ai rencontré ma femme qui est née dans le camp de personnes déplacées à Bergen-Belsen [en Allemagne]. Nous avons eu trois filles ensemble qui nous ont donné quatre petits-enfants», a-t-il dit.
Chaque année, on commémore Yom Hashoah après la Pâque juive. C'est le Centre commémoratif de l'Holocauste à Montréal (CCHM) qui est responsable de cette cérémonie. Cette année, les témoignages entendus ont mis l'accent sur les défis, rencontrés par tous les survivants, qui devaient refaire leur vie après de telles épreuves.
Yom Hashoah a été déclaré Jour du souvenir de l'Holocauste au Québec en 1999 et au Canada en 2005.
Mercredi, au début de la cérémonie, le consul général d’Israël, Ziv Nevo Kulman, a salué le courage des survivants de l’Holocauste.
Le CCHM estime que quelque 5000 survivants de la Shoah vivent à Montréal aujourd'hui.