Sur une large pierre tombale grise et défraichie du cimetière catholique de Mount Olivet, les noms de onze membres d’une même famille sont accompagnés d’une simple précision: «Ils sont morts le 6 décembre 1917, au 66, rue Veith».
Cent ans plus tard, cette pierre tombale dans l’ouest de la ville d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, est un poignant rappel de l’explosion qui a fait 2000 morts et 9000 blessés il y a cent ans.
Sous le nom du père de la famille, Joseph D. Hinch, mort à l’âge de 50 ans, défile la liste de ses dix enfants âgés de 19 à 2 ans: Clara, Helena, Thomas, Mary, Joseph, James, Annie, Margaret, Ralph et Helen.
Ils se trouvaient tous dans la zone de 2,5 kilomètres carrés complètement pulvérisée par l’explosion, survenue tout juste après 9 h. Des incendies ont suivi, tandis que des centaines de bâtiments ont été rasés ou endommagés, dont l’église St. Joseph que fréquentait la famille Hinch, non loin du port.
«Chaque église de la région a été endommagée, jusqu’à Windsor Junction (à 34 kilomètres du centre-ville de Halifax)», rappelle Blair Beed, un historien local auteur d’un livre sur l’explosion. «Des églises de toutes les confessions.»
«Quatre églises de ce quartier ont été détruites: la méthodiste, la presbytérienne, l’anglicane et la catholique. Toutes les autres églises, catholiques et non-catholiques, et les synagogues du centre-ville ont été endommagées d’une manière ou d’une autre, dont l’église presbytérienne St. John sur la rue Brunswick, qu’on a démolie et déménagée à un autre endroit pour la reconstruire.»
L’explosion est survenue lorsque que le navire français Mont Blanc, transportant 2500 tonnes d’explosifs et une cargaison de monochlorobenzène, est entré en collision avec l’Imo, un navire norvégien, dans le détroit qui relie le port de Halifax au bassin de Bedford. C’est la plus grande explosion provoquée par l’homme avant l’avènement des armes nucléaires. C’est dans le district de Richmond que l’explosion a été la plus marquée.
Halifax et la ville de Dartmouth, de l’autre côté du port, comptaient à l’époque environ 65 000 habitants. La moitié de la ville était catholique. Environ 1500 d’entre eux étaient des paroissiens de St. Joseph. Plus d’un quart d’entre eux sont morts ce jeudi matin.
«Quatre cent quatre personnes de cette communauté ont été tuées», a déclaré Beed. «Ils vivaient et travaillaient là-bas. À l’époque, le transport était difficile et vous viviez là où vous travailliez. Il y avait beaucoup de grandes familles là-bas.»
La tombe de la famille Hinch témoigne du carnage causé par l’explosion. À proximité se trouve un piquet jaune. Il y a près de 400 piquets jaunes au cimetière Mount Olivet et à celui de Holy Cross, un cimetière catholique du centre-ville. Les piquets ont été approuvés par la Commission des cimetières catholiques de la ville, peints et mis en place par un étudiant dans le cadre d’un travail d’été en prévision du 100e anniversaire de l’explosion. Chaque piquet représente un catholique tué dans l’explosion.
«Toute l’histoire de l’explosion d’Halifax pourrait être liée aux tombes du cimetière Mount Olivet», indique Joe McSweeney, un enseignant à la retraite féru d’histoire.
En plus de la famille Hinch, M. McSweeney dit qu’il y a plus de 330 victimes catholiques de l’explosion enterrées au Mount Olivet. L’une d’elles est Vince Coleman, le répartiteur des trains immortalisé pour sa bravoure en restant à son poste pour avertir un train entrant du danger imminent. Coleman est mort dans l’explosion, tout comme son directeur de bureau, William Lovett, et sa sténographe, Florence Young. Ils sont aussi enterrés à Mount Olivet.
Joe McSweeney rappelle que les victimes de l’explosion sont enterrées dans des cimetières de Nouvelle-Écosse et d’ailleurs.
«Il y a cinquante différents cimetières à travers la Nouvelle-Écosse où les corps ont été envoyés», précise M. Beed. «C’était la guerre, alors beaucoup de gens de la campagne venaient en vile pour travailler dans les industries de la guerre et quand ils sont morts, ils ont simplement été renvoyés dans leur communauté pour être enterrés dans le lot familial.
«Un soldat catholique a été envoyé à Lévis, au Québec. C’était vraiment un événement national», dit-il.
Francis Campbell, The Catholic Register