L’incendie qui a ravagé une partie importante de la cathédrale Notre-Dame à Paris est l’occasion pour plusieurs catholiques français de réfléchir sur la portée d’un tel événement sur leur foi.
C’est le cas du vicaire de la paroisse Saint-Jean-Baptiste à Montréal, Vincent Cormier que Présence a joint au téléphone. Installé au Québec depuis quelques années, il a été un témoin impuissant devant cette catastrophe.
«Je suis solidaire avec les catholiques parisiens. Je me suis senti touché parce que c’est l’héritage historique de la France qui a été atteint. C’est notre identité. La cathédrale a tellement traversé d’évènements! Je peux comprendre leur douleur. Je suis en communion avec eux. Si cela avait été la cathédrale de Nantes, où je suis né, cela aurait été encore plus personnel comme douleur.»
Cependant, bien qu’affecté par la perte partielle de ce monument, le vicaire Cormier souligne «que nous sommes tous le temple de l’Esprit. D’un point de vue catholique, c’est notre relation avec Dieu qui est primordiale. L’attachement aux pierres n’a pas beaucoup de sens. C’est beaucoup plus la dimension nationale de cet événement qui m’affecte, que sa dimension religieuse. À la limite, ce ne sont là que des pierres et des morceaux de bois. Je sais que plusieurs ne partageront pas mon opinion là-dessus.»
L’Église brûle
Dans un témoignage qu’elle a fait parvenir à la rédaction de Présence, Isabelle Morel, professeure à l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC) de l’Institut catholique de Paris, a décrit les sentiments qui l’habitaient ainsi que ses collègues lorsque les flammes ravageaient Notre-Dame.
«La sidération nous a saisis. Comment croire que cela soit réel? Impression d’être pris aux tripes, bouleversés dans nos cœurs comme dans nos têtes. Comme si quelque chose de nous, nous-mêmes, nous ensemble, nous peuple, partait en fumée sous nos yeux sans que nous ne puissions rien faire», confie-t-elle.
Au-delà de la douleur provoquée par cette catastrophe, la professeure Morel y voit une allégorie sur l’actualité de l’Église.
«L’Église brûle! Pas seulement Notre-Dame, mais l’image parfaite que nous nous sommes faite de notre Église universelle! Ce sont nos illusions d’une Église mère, protectrice, attentive à tous et plus particulièrement aux petits, aux fragiles, qui disparaît en fumée dans le brasier de l’actualité internationale et ecclésiale. Comment ne pas rester interloqué devant la force du symbole: Notre-Dame en feu, au début de la semaine sainte, dessinant dans le ciel parisien une croix rouge de flammes! Le cri des abusés, des oubliés, des condamnés, montait vers le ciel. Sidération totale.»
Au lendemain de ce moment historique, la professeure à l’ISPC décrit ce que plusieurs Parisiens ont eu la chance de constater: «Et au matin, dans les ruines noires de cendres, en passant la tête par la porte béante: la croix du Christ, lumineuse au fond du chœur, intacte, l’autel baigné de lumière sur sa pierre blanche, intacte… préfigurant la résurrection déjà à l’œuvre. Quel extraordinaire moment à vivre, pour les Parisiens, pour les croyants, pour le monde! Puissions-nous rebâtir l’Église autant que Notre-Dame, avec la même ferveur et le même empressement. À la manière de saint François d’Assise…»
Le message de Notre-Dame aux Québécois
Laurent Tessier, doctorant français à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal et à l’École pratique des hautes études à Paris estime que cet événement envoie aussi un message aux Québécois.
Celui qui vient au Québec plusieurs mois par année dans le cadre de ses recherches était aux Archives juives canadiennes Alex Dworkin lors de l’incendie.
«J’ai regardé en direct les images avec les archivistes responsables des Archives juives. En voyant ces images de destruction, j’ai tout de suite pensé au patrimoine québécois. Les articles de presse qui font régulièrement état de la destruction du patrimoine québécois (religieux ou non) me fendent le cœur», note-t-il.
Dans un message lancé aux Québécois qu’il a diffusé sur Facebook, Laurent Tessier les invite à prendre soin de leur patrimoine.
«Hier soir Notre-Dame s’est exprimée dans la douleur, voici son message à l’attention du peuple du Québec: ‘N’ayez pas peur de prêter attention à votre patrimoine, de le conserver et de le restaurer. Le prix est grand, la tâche est rude. À ceux qui n’auraient de foi que dans le rendement de leurs investissements, je leur dis: ayez confiance. Le patrimoine révèle bien des richesses. Le patrimoine unit et rassemble bien au-delà de la nation, bien au-delà des frontières. À ceux qui n’y voient que des tas de pierres plus ou moins bien agencés, je leur dis: ces pierres sont vivantes. Elles sont la mémoire des générations passées qui ont œuvré avec force de convictions pour donner aux générations futures. Un patrimoine en péril, c’est la ruine de l’âme de tout un peuple, de toute une civilisation.’»
Prières et chants
Laurent Tessier conclut son long courriel par une remarque destinée «à ceux qui croient et qui voient si peu».
«Je voudrais dire que s’il y a bien eu un miracle hier à Paris, ce sont les prières de rue, spontanées, autour de moi, sans cris et sans haine», dit-il.
Dans une entrevue accordée dans la nuit de mardi à mercredi (heure de France), le chanteur catholique Grégory Turpin a estimé qu’«il y a quelque chose de violent et de choquant dans cette image [l’incendie de Notre-Dame]. Je suis surpris par l’ampleur des témoignages que nous avons entendus jusqu’ici.»
Grégory Turpin était sur les lieux du drame. «J’étais présent. J’ai fait tout le tour de Notre-Dame. Je voyais des milliers de personnes. À tous les cinquante mètres, je voyais des personnes qui priaient autour d’un prêtre. D’autres chantaient un chant à la Vierge. Voir un tel monument partir sous ses yeux ne laisse personne indifférent. De toute manière que l’on soit athée ou non, que l’on soit républicain ou non, c’est une partie de l’histoire qui s’envole. C’est peut-être le moment de se rendre compte que nous sommes tous rattachés à notre histoire. C’est peut-être cela qui est important», a-t-il conclu.
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