À 28 ans, Thomas Montminy-Brodeur connait une ascension fulgurante dans le monde des effets spéciaux. La boîte montréalaise pour laquelle il travaille, Rodeo FX, vient de remporter un troisième Emmy consécutif pour son travail sur la populaire série télévisée Game of Thrones (Le trône de fer), un contrat dans lequel Thomas joue un rôle clé. Salué comme l’un des brillants jeunes talents dans son milieu, Thomas a pourtant débuté sa carrière dans un endroit inusité pour les artistes de son milieu: l’archidiocèse de Québec.
C’était en 2007. Il étudiait alors pour faire carrière dans l’univers des effets spéciaux. «Je ne savais même pas s’il y a une carrière possible là-dedans. Je pensais que je serais pauvre toute ma vie», dit-il tout sourire.
Thomas Montminy-Brodeur a grandi dans une famille de théologiens. Son père, Raymond Brodeur, était professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval. Sa mère, Lisette Montminy, y était chargée de cours.
«Ils ne nous ont jamais enfoncé la religion dans le fond de la gorge. Ils nous ont toujours donné le choix, nous ont laissé vivre notre vie selon ce qu’on veut faire. C’est grâce à ça que j’ai pu faire des effets visuels», se réjouit-il.
«Beaucoup d’amis me demandent si je suis devenu Jesus freak en grandissant dans un milieu comme ça. J’ai toujours dit non, car j’ai toujours eu cette liberté», poursuit-il.
C’est via un réseau de contacts dans le petit monde religieux de Québec que l’archidiocèse de Québec lui a offert de venir y travailler quelques mois. À l’époque, il fallait préparer le Congrès eucharistique international de Québec de juin 2008. L’Église de Québec voulait saisir l’occasion pour améliorer ses communications vidéos. Thomas Montminy-Brodeur a donc fait partie de l’équipe de monteurs qui travaillait sur les vidéos. Plusieurs de ses réalisations – y compris ses animations en 3D – étaient projetées sur l’écran géant au Colisée Pepsi, où se déroulait une partie du congrès eucharistique. Mine de rien, il fait partie des tous premiers artisans du portail qui est devenu ECDQ.tv.
«Ce que j’ai apprécié de mon passage au diocèse, c’est de voir la motivation des gens qui avaient un message à faire passer. Il y avait beaucoup de bénévoles. Je trouvais ça super cool de côtoyer des personnes qui croyaient à fond à leur message. À un moment, j’avais peur d’être jugé parce que j’étais moins fervent. Je me sentais un peu mouton noir… Mais finalement la relation était bonne et j’ai gardé contact avec les autres gars de l’équipe», explique-t-il.
Après le congrès eucharistique, fort des connaissances acquises au Collège Mérici et à l’Institut Grasset, il part pour Londres, où il déniche un poste qui lui permet de travailler sur son premier film, Where the Wild Things Are. Il bosse ensuite sur Avatar, Sherlock Holmes, Harry Potter, Hunger Games, Birdman, Twilight…
En 2009, il revient à Montréal et est embauché par Rodeo FX. La firme ne comptait alors que 25 employés. Ils sont aujourd’hui 350. Le tournant survient lorsque Rodeo FX obtient un contrat pour travailler sur Game of Thrones. Depuis trois ans, Thomas Montminy-Brodeur consacre six mois par année à ce contrat. En tant que superviseur de la composition des effets visuels, il agit comme bras droit du superviseur des effets visuels, Matthew Rouleau.
«Dans ma carrière, je ne pourrais espérer un meilleur rôle présentement. Je suis vraiment heureux de mon évolution», dit-il, précisant qu’il supervise le travail d’une quarantaine d’artistes.
«Avec mon rôle de compositeur, j’utilise tous les éléments visuels produits par l’équipe et les assemble dans les images pour que ça fasse le plus réaliste possible. On polit l’image. On veut le plus vrai, le plus beau, dit-il. Ça mélange parfaitement l’artistique et la logique. Tu dois être toujours à l’affût, quand tu es dehors, de la manière dont la lumière agit sur les éléments. À la base, le plus dur, c’est avoir l’esprit réaliste!»
En février, il a gagné à titre personnel un VES Award, attribué par la Visual Effects Society pour l’excellence dans ce domaine. C’est une séquence de 30 secondes de la ville de Volantis dans Game of Thrones qui lui a valu le trophée gravé de son nom du meilleur environnement virtuel de l’année dans une série télévisée.
Puis, le 10 septembre, Rodeo FX a remporté le prix pour les meilleurs effets visuels pour le travail réalisé sur Game of Thrones. Thomas était à Los Angeles pour l’occasion. «C’est Matthew Rouleau qui est allé sur scène pour Rodeo FX. J’étais dans la salle à l’acclamer. Quand il m’a vu, il m’a tendu le trophée en disant ‘félicitations, un de plus!’», relate Thomas.
En plus de son travail chez Rodeo FX, Thomas partage aussi son savoir et son expérience en enseignant les effets visuels à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Et même s’il se promène entre les bureaux de Los Angeles, Montréal et Québec, il s’assure toujours de prendre le temps de revenir à ses racines en allant visiter sa famille à Québec.
Mis à jour à 10 h 23 le 23 septembre 2016.