En annonçant le décès de la comédienne Monique Mercure, tous les médias ont rappelé qu’elle était devenue, en 1977, la toute première Canadienne à obtenir le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, une récompense pour son rôle de Rose-Aimée dans le film J. A. Martin photographe. Aucun média n’a toutefois mentionné que cette année-là, le film de Jean Beaudin où elle excellait recevait à Cannes le prix du Jury œcuménique, un honneur attribué, lui aussi pour la toute première fois, à un film québécois et canadien.
Le prix d’interprétation obtenu à Cannes par Monique Mercure «a marqué sa carrière d’une pierre blanche», a réagi Martin Bilodeau, le rédacteur en chef de l’agence cinématographique Mediafilm, en apprenant son décès, le dimanche 17 mai 2020. Tout comme le film J. A. Martin photographe d’ailleurs, ajoute-t-il, «dans lequel tout le Québec a reconnu son père, sa mère, son couple et sa famille».
«Mercure était une grande actrice, sous-exploitée souvent ou mal comprise», indique Martin Bilodeau, qui est aussi le directeur général de Communications et Société, un organisme voué à la promotion de la qualité, du sens critique et des valeurs éthiques et spirituelles dans le monde des médias.
Il rappelle que la comédienne a «fondé sa réputation auprès du grand public sur une comédie de mœurs (Deux Femmes en or, de Claude Fournier) dont elle avait honte. Ceci explique cela. Et puis elle venait d’une ancienne école, celle des Compagnons de Saint-Laurent, où les acteurs apprenaient les grands classiques joués dans un langage châtié. Elle a toujours semblé inconfortable avec cette contradiction», note M. Bilodeau.
Paru en 1976, J. A. Martin photographe s’est mérité la cote (3) Très bon de Mediafilm, autrefois l’Office des communications sociales, une agence qui évalue tous les films depuis les années 1960. «Étude intéressante des relations d’un couple mêlée à l’évocation des mœurs d’une époque. Mise en scène soignée. Ton intimiste. Interprétation juste», a-t-on inscrit dans la fiche du film.
«Située au début du XXe siècle, l’intrigue mêle l’étude des relations d’un couple à l’évocation des moeurs d’une époque. Ces deux aspects s’imbriquent sans heurts dans une mise en scène où un grand soin a été accordé à l’image, comme pour correspondre aux préoccupations du personnage annoncé par le titre. Un ton intimiste de bon aloi se fait sentir dans l’approche des personnages dont les problèmes sont plus indiqués que soulignés. L’ensemble présente beaucoup d’intérêt et est interprété avec justesse», avait aussi écrit le sulpicien Robert-Claude Bérubé qui a créé ce système de notation des films.
Quatre autres films canadiens ont obtenu le prix du Jury œcuménique lors du Festival de Cannes. Ce sont Jésus de Montréal de Denys Arcand (1989), De beaux lendemains (1997) et Adoration (2008) d’Atom Egoyan, et Juste la fin du monde de Xavier Dolan (2016).
En 1977, les six membres du Jury œcuménique du Festival de Cannes avaient indiqué avoir remis leur prix annuel à J. A. Martin photographe parce qu’il abordait «le problème des relations humaines à l’intérieur du couple en mettant l’accent sur la nécessité de la compréhension et du sens des responsabilités pour un mutuel épanouissement».
Le film La Dentellière, du réalisateur Claude Goretta, a aussi obtenu en 1977 le prix du Jury œcuménique. L’année précédente, aucun film n’avait été primé, les membres du jury ayant déploré n’avoir visionné que des œuvres «exemptes d’espérance dont certaines présentaient une violence inconnue jusqu’ici». Ils émettaient alors le souhait que «le cinéma ne devienne pas une source de haine dans un monde qui aspire à la paix».
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