Figure bien connue dans l’univers des médias catholiques américains, Mère Angelica (née Rita Antoinette Rizzo) est décédée le 27 mars dernier, à l’âge de 92 ans. Elle est la fondatrice de l’Eternal Word Television Network (EWTN), une chaîne télé catholique qui occupe une place de choix dans le monde des médias religieux.
Joviale et exubérante, Mère Angelica était l’une personnalités catholiques les plus connues aux États-Unis et à travers le monde. Personnage controversé, elle était également une femme redoutable et influente. Le rayonnement international d’EWTN lui a en effet permis d’avoir ses entrées dans les officines du Vatican.
Sous sa gouverne, l’Eternal Word Television Network s’est transformé en réseau télévisuel diffusant des émissions 24 heures par jour, et rejoignant près de 230 millions téléspectateurs, répartis dans plus de 144 pays. Les émissions d’EWTN sont désormais multilingues, c’est-à-dire produites en anglais et de nombreuses autres langues.
Une longue maladie
Mère Angelica était malade depuis déjà plusieurs années. Le 24 décembre 2001, elle a subi une intervention chirurgicale au cerveau. Les médecins ont alors retiré le caillot qui s’était logé dans son cortex, au terme de l’accident vasculaire cérébral dont elle a été victime et qui l’a partiellement paralysée et lui a fait perdre l’usage de la parole.
En novembre 2015, son état s’est détérioré, au point où l’équipe médicale a dû la raccorder à un tube d’alimentation. En février, les membres de sa congrégation religieuse — les sœurs de la Perpétuelle adoration de Notre-des-Anges — ont invité les fidèles à prier pour leur consœur, son état de santé s’étant grandement détérioré.
Mère Angelica est décédée le 27 mars dernier, au monastère Notre-des-Anges de Hanceville, en Alabama. Ses funérailles auront lieu le 1er avril 2016.
Les controverses
En 1997, Mère Angelica a été au cœur d’une polémique, après qu’elle eut critiqué en ondes la lettre pastorale du cardinal Roger Mahony. Elle reprochait à l’archevêque de Los Angeles d’avoir laissé planer un doute quant à la présence réelle du Christ lors du sacrement de l’Eucharistie.
En 1990, le réseau EWTN a mis fin au contrat la liant à la Conférence des évêques catholiques des États-Unis. La chaîne télé de Mère Angelica devait diffuser des émissions produites par la conférence épiscopale. Or, les évêques ont reproché à EWTN de n’avoir pas convenablement couvert les réunions et assemblées de la conférence épiscopale.
En 1993, en marge des Journées mondiales de la jeunesse de Denver et de la visite du pape Jean-Paul II aux États-Unis, elle a tiré à boulets rouges sur les autorités ecclésiales américaines. Une troupe de mimes avait alors été engagée afin de mettre en scène le chemin de croix. Or, le rôle de Jésus avait été confié à une femme, un geste que Mère Angelica avait jugé «blasphématoire». La religieuse y était alors allée d’une longue tirade contre les «forces corruptrices» à l’œuvre au sein de «l’aile progressiste de l’Église américaine».
La femme d’affaires
Mère Angelica soutenait être animée par une «théologie du risque» qui l’amenait à incarner sa foi dans des projets audacieux, sans jamais avoir la certitude qu’ils connaitraient le succès escompté.
Avant de donner naissance au réseau EWTN, Mère Angelica a publié une série d’opuscules consacrés aux questions morales ou spirituelles. Ces petits livres ayant connu un immense succès en librairie, les médias ont commencé à s’intéresser à elle. La religieuse a alors commencé à faire la tournée des talk-shows télévisés. Cette présence médiatique l’a sensibilisée à l’influence considérable de la télévision.
Le réseau EWTN n’a pas été créé du jour au lendemain. Mère Angelica a d’abord commencé par louer l’un des studios d’une chaîne de télé locale, à Birmingham, en Alabama. Elle y a produit des vidéocassettes de ses conférences consacrées aux enjeux religieux afin que celles-ci soient diffusées sur les ondes du Christian Broadcasting Network — une chaîne télé chrétienne fondée par le célèbre télévangéliste américain Pat Robertson. Elle a mis fin à son partenariat avec ce réseau après que celui-ci eut diffusé un film qu’elle jugeait blasphématoire.
Soutenue par les membres de sa congrégation, Mère Angelica est entrée en contact avec divers spécialistes des communications télévisuelles. C’est à ce moment précis qu’est né le projet de créer sa propre chaîne télé. En 1981, elle obtenait une licence des autorités fédérales américaines. Quelques mois plus tard, l’Eternal Word Television Network diffusait ses toutes premières émissions.
Le réseau EWTN disposait au départ d’un modeste budget de 200$. C’est dans un garage du monastère de Notre-des-Anges d’Irondale, en Alabama, qu’ont été tournées les toutes premières émissions d’EWTN.
En 1992, Mère Angelica s’est dotée d’une station radiophonique à ondes courtes (EWTN Global Catholic Radio) lui permettant de diffuser des émissions en anglais et en espagnol. En 1996, EWTN s’est lancé dans la radio par satellite afin que ses émissions puissent être rediffusées sur les ondes des stations radiophoniques locales.
En 1998, Mère Angelica a cédé la direction du réseau EWTN à Bill Steltemeier. Avocat de formation et diacre permanent, il fut le PDG d’EWTN jusqu’à son décès, en février 2013.
Une trajectoire singulière
Mère Angelica (Rita Rizzo) est née le 20 avril 1923 dans la Petite-Italie de Canton, en Ohio. Son enfance fut très difficile, son père ayant quitté le domicile familial lorsqu’elle était très jeune. Après le divorce de ses parents, elle a vécu avec sa mère et a connu une enfance marquée par la pauvreté.
En 1944, elle se joint aux Sœurs de la Perpétuelle adoration de Notre-des-Anges. Elle prononce ses vœux solennels au couvent de Canton (Ohio), en 1953. Elle adopte alors le nom de sœur Marie Angélique de l’Annonciation.
En 1962, elle fonde le monastère de Notre-Dame des Anges, à Irondale (Alabama), après en avoir fait la promesse au Christ. Elle aurait fait ce vœu au terme d’un accident ayant endommagé sa moelle épinière et l’ayant presque rendue infirme. Sitôt guérie, elle fondait ce couvent, en banlieue de Birmingham, Alabama.
Catholic News Service
Trad. et adapt. F. Barriault, pour Présence