Du 4 au 5 novembre s’est tenu le 5e Forum du Conseil du patrimoine religieux du Québec. Luc Fortin, ministre de la Culture et des Communications, et le sociologue Mathieu Bock-Côté ont tous deux souligné l’importance de l’éducation pour sensibiliser les Québécois à l’importance de sauvegarder le patrimoine religieux du Québec.
Dans une allocution prononcée à l’ouverture du Forum, le ministre Fortin a souligné que bien des élus municipaux ne voyaient pas l’importance d’investir dans la rénovation de leur patrimoine religieux. D’autant que leurs commettants ne comprennent pas toujours les raisons qui motivent la restauration d’un bâtiment d’un autre âge et sans vocation.
«Nous devons expliquer à la population que nous n’investissons pas par conviction religieuse. Nous le faisons parce que l’Église fait partie de notre histoire», a-t-il déclaré.
Outre son appel à une meilleure éducation en la matière, Luc Fortin a annoncé la création d’un groupe de travail chargé de revoir l’inventaire du patrimoine religieux moderne, bâti entre 1945 et 1975. Le groupe sera chargé, entre autres, de faire des recommandations sur les statuts que le ministère pourrait octroyer à ces édifices particuliers.
Mathieu Bock-Côté
Comme pour donner suite aux propos du ministre Fortin sur l’importance d’éduquer la population et les élus municipaux à l’importance de la sauvegarde du patrimoine religieux au Québec, le sociologue Mathieu Bock-Côté a prononcé un discours sur la relation trouble qu’entretiennent les Québécois à leur propre histoire et à tout ce qui peut la leur rappeler.
Le sociologue a mentionné que devant leur histoire, les citoyens sont confrontés à deux tentations qui ont une incidence sur la manière dont ils considèrent le patrimoine religieux. La première de ces tentations, selon lui, est l’oubli.
«Nous avons la tentation du grand oubli. Nous nous tournons vers le passé et nous disons: « Ce sont des vieilleries. Peut-être peuvent-elles intéresser des passionnés d’archéologie, mais nous, modernes, nous ne devons rien à ce monde ancien. C’est un monde qui ne nous dit rien. » C’est la tentation de l’oubli.»
La deuxième tentation qui guette les Québécois est la tendance à considérer le passé comme un monde essentiellement mauvais.
«Il y a aussi, peut-être plus grave encore, la tentation de la criminalisation du passé. Nous nous tournons vers le passé avec ce sentiment d’être devant un monde fondamentalement incompréhensible sinon qu’il nous semble détestable. Et d’une certaine manière, nous nous félicitons alors de ne pas y ressembler. Or, c’est l’orgueil du moderne qui le pousse à dire: « Je regarde dans ce passé et je n’y vois qu’une chose: la confirmation de notre excellence au temps présent. »»
«Le drame de la société québécoise, a-t-il poursuivi, c’est qu’elle conjugue ces deux dispositions lorsqu’elle se tourne vers son passé. La société québécoise a à la fois le désir de l’oubli et le désir de répudier ce qu’elle a été.»
Malgré l’existence de ces deux tentations, il y a chez les contemporains, selon le sociologue, le désir de l’enracinement pour faire face à l’effervescence d’une société sans repères.
«Il y a aujourd’hui dans le cœur de l’homme occidental le désir de renouer avec une certaine part d’héritage. Il y a le sentiment que nous évoluons dans un monde frénétique, un monde barbare, un monde qui mutile l’homme à vouloir le transformer en tout et en n’importe quoi. Il y a au cœur de l’homme occidental un appel à l’enracinement, c’est-à-dire la capacité, non plus pour l’homme d’être absolument aspiré par le mouvement du monde, mais d’être enraciné dans un lieu, enraciné quelque part, d’être intégré dans un monde qui a un sens pour lui et dont il doit prendre soin.»
Mathieu Bock-Côté a également souligné que l’Occident redécouvre que «l’homme qui n’a pas de racines, n’est pas plus libre. Il est condamné à l’assèchement.» Ce qui lui a fait dire qu’il est possible de rester optimiste face à l’avenir du patrimoine religieux au Québec.