« Tout cela, c’est un peu à cause de la pandémie », reconnaît Yves Coulombe, 58 ans, un des deux responsables d’une série de courts-métrages sur des églises québécoises centenaires.
À l’automne 2020, confinés dans leur résidence de Lanaudière, Sylvain Piché, 57 ans, et lui, deux autodidactes passionnés par la vidéo, l’architecture et le patrimoine, cherchent à occuper leurs temps libres. « On voyage beaucoup au Québec. Et on filme tout ce qu’on voit. » Mais dès qu’ils découvrent une nouvelle municipalité, « c’est toujours l’église qui nous attire en premier. » Le couple prend alors des images de l’extérieur de l’église et vérifie constamment si l’intérieur est aussi accessible. Les deux conservent précieusement ces souvenirs de voyage et, depuis un bon moment déjà, ils ont pris l’habitude de les intégrer dans de courtes vidéos qu’ils partagent à leurs connaissances.
L’idée germe alors. Pourquoi ne pas créer de courtes vidéos qui regrouperaient exclusivement les images recueillies dans les lieux de culte ?
« J’ai d’abord fait un montage d’églises de la Beauce et j’ai appelé cela Sur la route de nos églises. » Ses amis ont apprécié ce premier résultat. Puis ce fut au tour de la petite église de Piopolis, en Estrie, et de la chapelle et de l’église de Varennes, en Montérégie.
Quarante vidéos
Depuis septembre 2020, le couple a réalisé plus de 40 vidéos d’églises de tradition catholique. Chacun de ces courts-métrages, dorénavant d’une durée de 5 à 7 minutes, est déposé sur une chaîne YouTube, accessible gratuitement. « C’est un projet unique. On en est bien fiers. C’est vrai que sur Internet, on peut trouver des photos de plusieurs églises, pas toujours de bonne qualité, mais des vidéos, je ne crois pas. »
« Au début, ce n’était pas évident », reconnaît Yves Coulombe. C’était bien embêtant pour le personnel de la paroisse, souvent même en télétravail, d’accepter que deux personnes inconnues, équipées de petites caméras, viennent tourner des images à l’intérieur de leur église, en pleine semaine. « En plus, on leur demandait de pouvoir être présents, à l’intérieur, durant deux bonnes heures, et d’être libres de nos mouvements. » Le couple tient à obtenir des images du jubé, de la sacristie, du cimetière au sous-sol, s’il y en a un. « On va même jusque dans le clocher. »
« La demande a explosé »
Depuis un an, le couple a frappé à plusieurs portes d’églises et a essuyé quelques refus. Mais avec près de quatre douzaines de vidéos d’églises comme carte de visite, « la demande a explosé », reconnaît-il. « Aujourd’hui, ce sont les fabriques qui nous téléphonent pour savoir quand nous irons dans leur village ou leur municipalité. »
« Ça, c’est le travail de Sylvain », explique son partenaire. « Il fait les appels, se fait ouvrir des portes et filme les lieux.» M. Coulombe filme lui aussi les intérieurs et les extérieurs, veille ensuite au montage, choisit minutieusement la trame musicale puis diffuse les clips réalisés.
En janvier 2021, le couple se rend à Sainte-Lucie-des-Laurentides. « Mon conjoint vient de là. C’est sa paroisse. » Le choc ! L’église est désacralisée depuis 2018. « Nous avons été ébranlés en ouvrant les portes. » Des bancs avaient été vendus. Quant au maître-autel, il avait été déplacé. « On a replacé tout ce qu’on a pu avant de filmer.» In extremis, les deux cinéastes sont particulièrement fiers d’avoir réussi à « recréer des souvenirs qui resteront gravés à jamais ».
« C’est à partir de ce moment que notre travail a pris un sens tout particulier », admet Yves Coulombe. « On veut laisser des traces pour le futur parce que nos églises disparaissent, une dizaine par année. »
« Je voudrais qu’une personne, en voyant ces vidéos, dise à un enfant: « regarde, c’est ici, dans cette église, que grand-papa s’est marié ou que ses funérailles ont eu lieu ». Sans quoi, il n’y aura plus rien », déplore-t-il.
Partout au Québec
L’objectif du couple dorénavant: filmer toutes les églises catholiques du Québec, qui sont aussi centenaires et « qui n’ont pas été complètement transformées après le concile Vatican II ».
« On pense qu’on en a pour dix ans, à raison d’une église par semaine », lance, amusé, Yves Coulombe. Lors de notre entretien téléphonique, il terminait le montage de l’église de Saint-Antoine-sur-le-Richelieu, disponible depuis. Sa chaîne YouTube annonce ces jours-ci le dévoilement d’une vidéo de l’église devenue musée de Saint-Venant-de-Paquette, le 6 septembre 2021, juste à temps pour les Journées du patrimoine religieux.
« On travaille fort », assure Yves Coulombe, « en plus de notre travail régulier ». Le couple, qui « aimerait bien ne faire que cela », doit assumer tous les frais de production car « personne ne nous finance pour le moment ».
Mais il est urgent, selon lui, de tourner des images des différents tableaux, statues, chemins de croix, des autels et orgues de tant d’églises de partout au Québec afin de les offrir aux générations futures. « C’est une triste réalité. Personne n’a réalisé des vidéos des églises détruites ou vendues ces dernières décennies. Plusieurs de nos églises pourraient bien disparaître, cette année même ou peut-être l’année prochaine. Et j’ai peur qu’on n’ait pas d’images de ce patrimoine, non plus. »
Sur la route de nos églises
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