Concepteur et animateur de L’Évangile en papier et de Parcelles de soleil, des émissions pour enfants qu’il a animées à Radio-Canada, l’artiste Claude Lafortune est décédé le dimanche 19 avril 2020. Il a été emporté par la COVID-19. Il était âgé de 83 ans.
Véritable virtuose des ciseaux, cet artiste hors du commun, né en 1936, avait su élever au rang d’art le bricolage à partir de papier de couleur. Il donnait forme à des personnages impressionnants, souvent inspirés de la Bible ou de l’histoire religieuse du Québec. Il se qualifiait lui-même de «sculpteur de papier».
Incarner la valeur des gens
«Aux yeux de mon père, chaque personne était unique et surtout très importante», dit François Lafortune, son fils. «C’est cette valeur qu’il a voulu incarner durant toute sa carrière.»
«Mon père est d’abord un artiste. Les plus vieux se souviennent de La Boîte à Surprise, Bobino, Sol et Gobelet. Ensuite, il a choisi d’être devant la caméra avec ses personnages. Il a toujours voulu illustrer ses valeurs par son art», ajoute-t-il.
«C’était un papa, un mari, un grand-papa et un arrière-grand-papa très attachant», dit son fils François.
«Mon père avait été hospitalisé pour des complications au lendemain d’une pneumonie. Il a attrapé la COVID-19. Son état a fait en sorte qu’il n’était pas capable de lutter contre cette maladie. La COVID-19 l’a emporté, de manière fulgurante», a-t-il précisé.
Claude Lafortune est décédé à 4 h du matin à l’Hôpital Pierre-Boucher de Longueuil.
«Il a été très bien accompagné à l’hôpital», a-t-on confirmé plus tôt ce matin à la famille qui n’a pas pu le voir.
«C’est quand même surréel, lance son fils en baissant la voix, qu’un homme qui a accompagné tant de gens qui vivaient des moments difficiles, doive vivre sa mort seul, avec seulement le personnel de l’hôpital, sans sa famille parce que le confinement ne nous permet pas d’être avec lui.»
«Il est dans notre coeur et on lui rendra un digne hommage lorsque le temps nous le permettra», assure François Lafortune.
Une amitié de 40 ans
«C’est un grand ami que je viens de perdre, une amitié de quarante ans», dit Paul De Leeuw. Jeune, il accompagnait sa mère au Carrefour le Moutier où elle œuvrait. À la fin des années 1970, Montréal et Longueuil accueillaient un grand nombre des réfugiés de la mer, en provenance du Vietnam. Claude Lafortune animait des ateliers au Carrefour le Moutier.
«Je l’ai vu pour la dernière fois au début de février», raconte M. De Leeuw, aujourd’hui économe au diocèse de Saint-Jean-Longueuil.
«Il était alors à l’hôpital et il avait beaucoup maigri. La médication aidant, il avait été transféré dans une résidence pour convalescents. Je n’ai pas pu le visiter de nouveau car son transfert a eu lieu au début de la période de confinement. Mais j’ai pu discuter avec lui à la mi-mars. Oui, il allait mieux.»
«Puis, il a été atteint par la bactérie C. difficile. Retour à l’hôpital. Finalement…, la COVID-19…», relate-t-il sans terminer sa phrase.
Claude Lafortune était membre, depuis 25 ans, du Comité d’art sacré du diocèse de Saint-Jean-Longueuil.
Expositions
Récemment, une exposition portant sur l’Arche de Noé a été présentée de février 2018 à mars 2019 au Musée des religions du monde de Nicolet (aujourd’hui appelé le Musée des cultures du monde).
Son exposition Colle, papier, ciseaux, a quant à elle été exposée dans diverses régions du Québec au cours des dernières années, elle qui avait aussi été présentée pour la première fois en 2011 dans ce même musée.
En janvier 2020, pour le lancement de l’année du 400e anniversaire de naissance de sainte Marguerite Bourgeoys, il avait réalisé une œuvre de papier représentant la fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame affrontant un blizzard hivernal.
Il y a un peu moins d’un an, en mai 2019, l’Université du Québec à Montréal lui a remis un doctorat honorifique pour souligner «la contribution exceptionnelle de ce créateur au développement et à l’enseignement des arts visuels, au Québec et ailleurs dans le monde».
L’artiste visuel a marqué une génération de Québécois grâce à L’Évangile en papier, une émission télévisée diffusée à Radio-Canada de 1975 à 1976. Au moment de concevoir l’émission, il travaillait déjà pour le diffuseur public depuis une dizaine d’années, alors qu’il avait été embauché pour réaliser des décors.
Parmi ses apports emblématiques moins connus, notons la réalisation des décors de carton pour le film IXE-13 du réalisateur Jacques Godbout en 1972.
– Avec la collaboration de Philippe Vaillancourt.
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