D’une simple curiosité devant les propos d’un prêtre dominicain entendu à la radio est née une féconde amitié. Au fil des années, la complicité entre le père Benoît Lacroix, Simone Saumur-Lambert et Pierrot Lambert a donné au lectorat québécois trois ouvrages qui ouvrent une fenêtre sur la pensée du dominicain, leur ami, l’homme qui comptait en siècles.
«On était tellement habitués de voir la vie du père Lacroix se prolonger… C’est presqu’irréel d’apprendre aujourd’hui qu’il est disparu», confient-ils quelques jours après la mort du père Lacroix.
«Cela faisait des années que Simone et moi, nous avions de longs entretiens personnels avec lui.» De larges extraits de ces conversations, qui ont porté sur la poésie, la nature, la religion ou même sa communauté religieuse, se retrouvent aujourd’hui consignés dans les trois livres publiés chez Fides ces dernières années.
Dans La mer récompense le fleuve, Que viennent les étoiles et Rumeurs à l’aube, Pierrot et Simone discutent avec le père Lacroix de la vie, bien évidemment, mais aussi de la mort.
«Ces trois livres, cela aura été un bel imprévu de la vie», reconnait Pierrot Lambert, auteur et traducteur de Gatineau. Simone et lui écoutaient régulièrement les émissions que proposait le père Lacroix sur les ondes de Radio VM, alors appelée Radio Ville-Marie. «Il parlait de religion, mais en termes non religieux. On voulait savoir d’où lui venait ce langage.»
De cette interrogation sont nées ces longues conversations entre amis. Ce qu’ils ont découvert, c’est que la religion, pour le dominicain, ce n’était pas une question de langage mais plutôt «une question de vision et d’ouverture à toutes sortes d’avenues, comme la poésie ou la nature».
Une culture et une inspiration que le religieux puisait à travers les siècles, à commencer par ceux du Moyen Âge dont il était expert.
La foi du père Lacroix, dit Pierrot Lambert, «était constamment en dialogue».
«Il n’était pas un homme des frontières ou des démarcations, comme tant d’autres sont sensibles aux différences doctrinales ou idéologiques. Chez lui, il y avait toujours un intérêt pour l’autre, peu importe qui il était.»
Il y a trois semaines encore, les deux amis se sont rencontrés, au couvent de Saint-Albert-le-Grand, à Montréal où habitait le dominicain devenu centenaire en septembre 2015.
«Comme d’habitude, il a fait des blagues sur son âge, raconte Pierrot Lambert. Il m’a dit: « moi, dorénavant, je ne compte plus en années, mais en siècles ».»