Les yeux du metteur en scène et concepteur de spectacles Dominick Trudeau, 58 ans, s’illuminent en rappelant cette tradition qu’avait instituée son père, le vétérinaire Jules Trudeau.
Dès qu’arrivait le mois de novembre, chaque année, le jeune père de famille faisait de la place sur toutes les tablettes et les meubles de la résidence familiale à Ville Sainte-Catherine et s’empressait de dégager le dessus du large téléviseur du salon.
Jules Trudeau exposait alors, jusqu’au début de l’année suivante, les nombreuses crèches que, toute sa vie, il aura achetées lors de voyages, fabriquées ou reçues en cadeau, notamment de sa sœur Céline, une religieuse missionnaire en Amérique latine.
En janvier 2002, à son décès, les quelque 200 crèches que comptait sa collection ont été remisées au sous-sol et n’ont plus été exposées.
Il y a dix ans, alors que Dominick Trudeau est en pleine répétition pour un prochain spectacle, la directrice de la Maison de la culture de Pointe-aux-Trembles confie au metteur en scène qu’elle cherche une idée d’exposition pour les derniers mois de l’année et la période des Fêtes. «Tu devrais téléphoner à ma mère, lui lance-t-il, sa cave est pleine de crèches!»
Quelques semaines plus tard, la directrice lui propose d’exposer «les crèches de mon père». Ce sera la toute première exposition que Dominick Trudeau consacrera à la collection paternelle, une collection qu’il a récupérée et passablement agrandie.
«J’en ai 700 aujourd’hui», dit-il fièrement en promenant son regard sur les nombreuses pièces qu’il propose jusqu’au 23 janvier 2022 à tous les visiteurs du Site historique Marguerite-Bourgeoys, au cœur du Vieux-Montréal.
Créations originales
Les deux crèches qui ouvrent l’exposition temporaire Joyeuses crèches sont particulièrement significatives pour lui. «Celle-ci, c’est mon père qui l’a gossée, durant la première année de leur mariage. Et celle-là, c’est ma mère qui l’a fabriquée», dit avec émotion M. Trudeau.
Puis il montre de petits personnages faits avec des bobines de fil à coudre. À l’époque, il ne les trouvait pas très beaux. Mais aujourd’hui, ils comptent certainement parmi ses personnages préférés. «Ça me rappelle tellement mon enfance. Avec eux seulement, on avait le droit de jouer», raconte-t-il.
Dominick Trudeau, qui signe entre autres les spectacles de Mario Pelchat et d’Isabelle Boulay, ajoute que chacun des personnages qu’il a cette fois mis en scène au Site historique Marguerite-Bourgeoys apparaît unique même si l’événement raconté, la naissance de Jésus, est universel. Voici une crèche, minuscule et fragile, importée d’Italie, précise-t-il. Celle-là est confectionnée à partir de graines de tournesol, de mie de pain ou encore de fibre de banane.
«Et dans cette crèche, tous les personnages sont fâchés», observe-t-il. Là, Jésus semble «bien trop heureux» pour un enfant naissant. Là encore, il n’y a pas d’âne ni de bœuf, mais plutôt un éléphant et un zèbre.
Artistes locaux
La provenance de plusieurs œuvres de la collection qu’il a héritée de son père est aussi singulière. Des artistes d’ici ont été mis à contribution. C’est ainsi que dans la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, on a installé une très grande crèche de la sculptrice Sylvia Daoust (1902-2004), une amie de la famille Trudeau.
Il y a quelques années, Claude Lafortune (1936-2020), l’animateur de L’Évangile en papier et de Parcelles de Soleil, a confectionné, à l’intention de Dominick Trudeau, un très grand François d’Assise portant l’enfant Jésus à la crèche. «J’en suis encore tout ému», dit-il en racontant qu’il est allé chez lui chercher cette œuvre unique, facilement repérable parmi toutes les pièces de l’exposition Joyeuses crèches.