Le pape François a inauguré le mardi 8 décembre une année sainte consacrée à la miséricorde de Dieu. Il a poussé la lourde porte en bronze de la basilique Saint-Pierre, habituellement murée, et déclaré officiellement l’ouverture de cette année jubilaire par ces mots, prononcés en italien: «Ouvrez-moi les portes de la justice».
La tenue de ce Jubilé de la miséricorde avait été annoncée par le pape François, à la surprise même de ses collaborateurs, le 14 mars 2015, à l’occasion du deuxième anniversaire de son élection à la tête de l’Église catholique.
Cet intérêt du pape pour la miséricorde n’a toutefois pas étonné l’abbé Jean-Marc Barreau.
«Le thème de la miséricorde est central dans le pontificat du pape François», explique l’auteur d’un tout récent livre sur cette question.
Dans François et la miséricorde, cet aumônier à l’unité de soins palliatifs de l’Hôpital Marie-Clarac de Montréal reconnaît que «le thème de la miséricorde est des plus traités par la littérature spirituelle, alors que dans le même temps et paradoxalement, il est de ceux qui se prêtent le plus aux caricatures».
Encore faut-il définir le terme. «Pour comprendre la miséricorde, il faut comprendre auparavant que Dieu est amour. Le propre de Dieu, c’est de se donner sans condition. Quand ce don divin regarde la limite de la création, de l’homme, de la femme, alors on parle de miséricorde», explique Jean-Marc Barreau, qui enseigne aussi la théologie au Grand Séminaire de Montréal. «La miséricorde, c’est l’amour qui se déverse dans la limite humaine.»
Il attend beaucoup de cette année sainte, inaugurée par le pape François. «Le jubilé de la miséricorde sera l’occasion de rencontrer l’essence même de Dieu à travers la miséricorde. Dieu n’a qu’un seul objectif, celui de se dire à travers la limite que nous sommes», dit le prêtre, Français d’origine, au Québec depuis quinze ans.
«Que le jubilé de la miséricorde apporte à tous la bonté et la tendresse de Dieu», a écrit le pape François à ses 24 millions d’abonnés sur Twitter après avoir célébré le début de cette année sainte.
Pour Jean-Marc Barreau, cette année de réflexion sur la miséricorde de Dieu ne doit pas isoler ou retirer les chrétiens du monde mais plutôt les ouvrir davantage à la société dans laquelle ils évoluent. «Le pape François l’a dit dès le début de son pontificat. Il veut une Église pauvre pour les pauvres. C’est pourquoi il envoie l’Église et les chrétiens sur les périphéries existentielles, c’est son expression.»
«Il faut être à l’école du pauvre, le pauvre concret, ne pas hésiter à rencontrer toutes les pauvretés de notre société pour creuser en nous cette pauvreté spirituelle qui permettra à la miséricorde d’agir.»
«Si c’est vrai que c’est là l’agissement de Dieu miséricorde à l’égard de tout pauvre, c’est vrai aussi de tout chrétien à l’égard de tout pauvre. Pourquoi? Parce que le chrétien est le premier qui fait l’expérience de cette accolade de Dieu à l’égard de sa pauvreté. S’il en a fait l’expérience, il devient lui-même le témoin envoyé sur les périphéries pour la partager aux gens sur sa route», dit l’auteur de François et la miséricorde.
L’Église aussi a besoin de la miséricorde de Dieu. «Le pape est conscient que, dans l’Église, le ver est dans la pomme», dit l’aumônier d’hôpital qui ajoute que «l’Église souffre de multiples cancers».
«Si l’Église est appelée à aller vers les périphéries, c’est pour qu’elle reçoive, à travers la rencontre avec le pauvre, la miséricorde de Dieu. Qu’elle cesse de s’autojustifier. Qu’elle arrête de justifier l’injustifiable. Qu’elle s’ouvre aux périphéries pour se laisser enseigner par les périphéries. C’est toute la réforme que souhaite le pape François pour l’Église.»
Le pape a inauguré l’année sainte le 8 décembre, le jour de la fête de l’Immaculée Conception, selon le calendrier liturgique. La date rappelle aussi qu’il y a 50 ans, jour pour jour, prenait fin le concile Vatican II. Une coïncidence? L’abbé Barreau y voit plutôt une invitation.
«Ce que le pape nous dit, c’est que le concile Vatican II, il faut le reprendre, il faut l’interpréter à la lumière de la miséricorde. Le concile, c’est une Église qui a été invitée à se faire plus pauvre pour que la miséricorde de Dieu puisse se révéler au monde.»
Il donne l’exemple de la réforme liturgique, née des travaux du concile Vatican II. «Bien des gens ont grincé des dents, sans comprendre que cette simplification de la liturgie, c’était dans la mouvance de la miséricorde, pour se faire plus simple, plus proche.»
En 2014, Jean-Marc Barreau a publié Jean-Paul II, le saint de la nouvelle évangélisation (éditions Salvador). Quelques années plus tôt, ce prêtre membre de l’Institut Voluntas Dei a codirigé, avec le professeur Olivier Bauer, la rédaction de l’ouvrage La religion du Canadien de Montréal (Fides). Docteur en théologie et aumônier d’hôpital, l’auteur est un passionné de sport et… ceinture noire de judo.
Jean-Marc Barreau. François et la miséricorde. Montréal, Médiaspaul, 2015. 180 pages.