Le 7 avril 1940, Joseph Henri Gilles, l’enfant d’Antoinette Malette et d’André Proulx né deux jours plus tôt, était baptisé à l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs de Verdun. Soixante-dix-sept ans plus tard, voilà que Gilles Proulx, animateur radiophonique, grand voyageur et passionné d’histoire, prend de nouveau place à l’avant de cette église, «une basilique majestueuse», dit-il.
«J’ai grandi ici, j’y ai été baptisé. Mes parents ont eu droit à leur dernier salut ici», a-il rappelé dès le début de l’allocution qu’il a prononcée lors d’un colloque sur le patrimoine religieux tenu le 9 juin dans cette église inaugurée en 1914.
«Cette église d’une beauté extraordinaire n’a pas de signification pour de grands segments de la population verdunoise ou montréalaise», a-t-il toutefois déploré.
«On dit de Montréal qu’elle est la ville aux cent clochers. D’autres ironisent en disant que c’est plutôt la ville aux cent mosquées», a lancé le bouillant tribun à la centaine de participants au colloque «375 ans de pierres, d’hommes et de femmes» organisé par les responsable de la paroisse Notre-Dame-de-la-Trinité dont fait partie l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.
«Nos clochers ne sont plus là. Ils sont de moins en moins présents», observe Gilles Proulx.
«Les églises gardent en leur sein des trophées architecturaux qui ne doivent pas disparaître mais qui sont aujourd’hui voués à une clientèle qui rapetisse tranquillement pas vite.» Cette situation, il faut s’en inquiéter, tempête l’auteur du récent livre De Ville-Marie à Montréal (Médiaspaul).
«Les églises ont été les témoins de notre enfance, de notre cheminement dans la vie, de nos pleurs et de nos joies. Pour des milliers qui les ont fréquentées, elles ont aussi été les témoins de leur disparition, de leur dernier hommage, lors de leurs funérailles. Ces églises-là seraient-elles vouées à disparaître à cause de l’indifférence des nôtres, à cause de notre inculture historique?», demande avec insistance Gilles Proulx.
Notre-Dame-de-la-Paix
Ses craintes sont fondées quand il observe le triste sort qui a été réservé à l’église Notre-Dame-de-la-Paix, la paroisse voisine, démolie en juin 2014 «Cela m’a pincé l’âme», dit Gilles Proulx.
«Quand je passe devant Notre-Dame-de-la-Paix, je n’y vois rien, à part une statue au haut de la porte. Cela me rappelle, à moi qui meurt tranquillement, comme notre nation, qu’il y avait là une église. Mais mon fils et mon petits-fils sauront-ils qu’il y avait là une bâtisse importante qui a rassemblé les fidèles pendant tant d’années?», demande-il encore.
Que faut-il faire devant de tels agissements? «Il faut faire davantage de bruit dès qu’on est alerté de la démoliton prochaine d’une église», répond Gilles Proulx. «Les démolisseurs ne doivent pas gagner.»
Les citoyens doivent enjoindre… «Non», corrige-t-il, «ils doivent forcer les pouvoirs publics à s’engager dans le recyclage des églises qu’on veut faire disparaître».
«Ce qu’il nous faut, c’est un code de respect architectural dès qu’on bâtit sur un lieu où s’élevait une église. Il faut ramener obligatoirement les vitraux ou le chocheton dans toute nouvelle construction», pense Gilles Proulx.
«Les Montréalais ne verront plus l’église mais il vont la reconnaître dans ces souvenirs liturgiques incrustés dans une architecture moderne».
Pour lui, ces éléments conservés seront «des véritables témoignages, une signature dans le temps».
«Tout n’est pas fini», lance encore Gilles Proulx aux amoureux du patrimoine religieux montréalais réunis dans cette église verdunoise. Il leur demande de continuer à veiller notamment sur ce lieu de culte, une «basilique majestueuse qui a vu passer, de la naissance à la mort, des milliers de gens».
«Il ne faudrait pas qu’elle meure, elle aussi. Ce serait trop triste. Ce serait un constat d’échec lamentable d’une nation qui accepte de mourir», a-t-il lancé en conclusion.
Son allocution dans cette église où il a été baptisé a récolté des applaudissements nourris.