«J’avais l’impression d’être dans une course folle», lance la cinéaste Annabel Loyola, en racontant ses dernières heures, à Paris, à la mi-mars, lors du tournage des scènes de son prochain film, La ville d’un rêve.
«C’était comme dans un film d’action où l’héroïne court sans se retourner. Elle court toujours et toutes les portes se referment derrière elle.»
Le mois de tournage avait plutôt bien commencé pour elle et ses deux compagnons. Le vendredi 28 février, elle était présente, à Montréal, à la première canadienne de son court-métrage Les âmes errantes aux Rendez-vous Québec Cinéma. Deux jours plus tard, elle s’envolait pour la France avec le directeur-photo Frank Le Coroller et le preneur de son Marco Fania.
Sept villes faisaient partie des lieux des lieux de tournage de ce documentaire qui entend raconter que la fondation de Montréal est née du rêve et du courage de gens venus de France il y a plus de 350 ans.
«Nous avons pu réaliser les tournages à LaFlèche, à Angers et à La Rochelle, sans encombres.» C’est à Paris que l’équipe a rencontré plusieurs difficultés en raison de la propagation du coronavirus.
Et «c’est au moment de quitter Paris pour se diriger en Champagne que tout a basculé», dit Annabel Loyola, de retour à Montréal depuis le samedi 21 mars et toujours en quarantaine.
Les derniers tournages dans la capitale française ont été réalisés de manière assez chaotique. «On arrivait toujours à un endroit in extremis. On fermait une heure après ou encore le lendemain matin, sur ordre du gouvernement.» Ce fut le cas à la Sorbonne, à la bibliothèque Mazarine.
Puis, «du jour au lendemain, on a été confinés, sans pouvoir sortir». Le 14 mars, les étrangers ont été invités à quitter le pays. Les billets de retour de l’équipe étaient toutefois datés du 26 mars, presque deux semaines plus tard.
«Le 16 mars, dit la cinéaste, les mesures de confinement ont été durcies. On ne pouvait même plus sortir du tout, sauf si on était munis d’une attestation sur l’honneur pour nous permettre d’aller à l’épicerie dans un rayon d’un kilomètre.» Quant aux étrangers, ils devaient quitter le pays.
«À Paris, c’était… apocalyptique», dit Annabel Loyola après un long silence.
Cinq jours plus tard, grâce à un programme de rapatriement de la Croix-Rouge et à la complicité d’une agente de voyages, le trio a pu regagner Montréal, sains et saufs.
«Je n’ai toujours pas de symptômes», dit-elle au téléphone. «Et je désinfecte les poignées de portes après le passage du livreur d’épicerie. Toute mon épicerie, même!»
Annabel Loyola est consciente qu’il reste dix bonnes journées de tournage à réaliser à Troyes, Neuville-sur-Vanne et Langres, sa ville natale et celle de Jeanne Mance dont elle a raconté l’histoire dans La folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance, son tout premier long-métrage et le tout premier film consacré à la cofondatrice de Montréal.
«On va devoir y retourner», lance-t-elle. «Mais seulement quand ce sera possible.»
Samedi, la quarantaine d’Annabel Loyola prendra fin. Dimanche, elle a bien l’intention de «sortir un peu de sa tanière», tout en respectant toutes les consignes de distanciation sociale.
Un nouveau souffle pour l’Hôtel-Dieu
Dans son second long-métrage, Le dernier souffle, la réalisatrice Annabel Loyola a raconté les dernières heures de l’Hôtel-Dieu de Montréal, cet hôpital, longtemps dirigé par les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph, qui a fermé ses portes en novembre 2017. Dans Les âmes errantes, elle est retournée à l’intérieur de cet hôpital presque complètement abandonné.
Elle s’est réjouie lorsqu’elle a appris que le gouvernement du Québec avait décidé d’y ouvrir la toute première clinique montréalaise de dépistage de la COVID-19 . «Oui, cet hôpital peut encore servir et être utile. Tant mieux si cet événement majeur peut permettre à l’Hôtel-Dieu d’avoir un second souffle dans son dernier souffle.»
Visionnement gratuit
Sans sortir de chez soi, on peut ces jours-ci visionner les films d’Annabel Loyola. Dans sa page Facebook, la cinéaste a annoncé, aussitôt arrivée à Montréal, qu’«en cette étrange période de confinement, mes films sont actuellement disponibles en ligne gratuitement».
C’est le cas du long-métrage Le dernier souffle, au coeur de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Il est accessible auprès du service de vidéo à la demande Crave qui offre un abonnement gratuit de 30 jours à tout nouvel abonné.
Quant à La Folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance, on peut visionner l’intégralité de ce film sur la chaîne MAtv. Dans l’émission Aux origines de Montréal, on propose quelques films. Celui d’Annabel Loyola est occupe la seconde moitié de cette émission.
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