La ministre Nathalie Roy annonce qu’elle vient de procéder, un an après en avoir manifesté l’intention, au classement des biens patrimoniaux de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice.
Ce « trésor national », selon les mots de la ministre de la Culture et des Communications, comprend les archives des sulpiciens, leur collection de livres rares et anciens ainsi qu’une collection de biens mobiliers composée de 2500 objets amassés par ces prêtres, les premiers seigneurs et les propriétaires de l’île de Montréal de 1663 à 1840.
C’est le 25 août 2020 que la ministre Roy avait signé un avis d’intention de classement de ces biens. Elle indiquait alors « manifester la volonté de notre gouvernement de protéger ces racines dont nous sommes fiers et les fondations de notre identité québécoise ».
Plusieurs intervenants avaient réclamé l’intervention d’urgence de la ministre après avoir appris le congédiement par les sulpiciens de tout le personnel de l’Univers culturel de Saint-Sulpice, la corporation chargée de veiller à la protection et à la mise en valeur de leurs biens patrimoniaux.
« Les prêtres de Saint-Sulpice ont soigneusement conservé ce qui constitue aujourd’hui un pan important de notre mémoire collective », a déclaré aujourd’hui la ministre Nathalie Roy.
« Leurs archives, leur collection de livres rares et anciens et leur collection de biens mobiliers racontent notre histoire et sont la genèse de ce que le Québec est devenu. En classant ce trésor national, votre gouvernement veut le protéger et le mettre en valeur au bénéfice des générations actuelles et à venir. »
Une bonne nouvelle
« C’est une très bonne nouvelle que l’on apprend », lance David Bureau, le président du Regroupement des archivistes religieux (RAR).
Ce classement, selon la Loi sur le patrimoine culturel, « vient protéger un ensemble d’archives, de livres anciens et de biens culturels qui sont, à mon avis, uniques en Amérique du Nord et qui sont surtout la mémoire de la ville de Montréal, à partir de Ville-Marie jusqu’à aujourd’hui ».
« On fait aujourd’hui l’effort, tant du côté des sulpiciens que du gouvernement du Québec, de conserver un patrimoine qui est unique en son genre », se réjouit-il.
Ce classement gouvernemental signifie aussi que « dorénavant, les sulpiciens seront tenus de s’assurer de la préservation de ces archives ». Ils devront répondre aux autorités si des problèmes de conservation ou d’humidité sont observés par des chercheurs, par exemple, si des vols sont commis ou si des éléments répertoriés deviennent introuvables. « En fait, la ministre vient de déposer directement sur la table des sulpiciens tout le travail de préservation des archives », observe M. Bureau.
Et c’est précisément ce qui l’inquiète. « Actuellement, on ne connaît pas l’état de ces archives. On ne sait même pas s’il y a une personne responsable », indique le président du RAR, un regroupement de 125 professionnels, en majorité des laïcs, qui oeuvrent auprès de diocèses et de congrégations religieuses.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), a assuré la ministre Roy, va collaborer avec les sulpiciens. « Mais s’il n’y a pas de responsable avec qui travailler, que pourra faire BAnQ ? », demande M. Bureau.
Assurer la pérennité
Du côté des Prêtres de Saint-Sulpice, « il y a une grande satisfaction », dit le sulpicien Jorge Pacheco, son supérieur provincial. Un tel dénouement, « on cherchait cela depuis longtemps », dit-il, rappelant qu’en 2012, une demande semblable avait été rejetée.
M. Pacheco a tenu à remercier la ministre Nathalie Roy d’avoir qualifié les biens des sulpiciens de « trésor national ».
« Cela montre bien le caractère exceptionnel de ces archives dont il faut absolument assurer la pérennité », dit le supérieur des sulpiciens canadiens.
Il précise toutefois qu’un classement gouvernemental n’est pas nécessairement synonyme de financement. L’Univers culturel de Saint-Sulpice, une corporation qui existe toujours, n’a pas reçu de subventions afin d’assurer la préservation de ces biens et de ces archives. « On commence à discuter de cela », confie M. Pacheco. « On a déjà eu une réunion avec BAnQ pour envisager l’avenir. »
« Saint-Sulpice a fait sa part et a bien travaillé jusqu’au moment où nos budgets dû être réduits. Mais si l’on cherche vraiment à assurer la pérennité des archives, alors on aura besoin de financement. »
« On va se réunir de nouveau et porter ce projet ensemble », ajoute-t-il. «Notre plan, à moyen terme, c’est de remettre en activité nos archives, de les ouvrir à la consultation et de contribuer à leur rayonnement. Cela se fera ensemble puisque Saint-Sulpice n’est plus seul dans ce dossier. »
« Seul, Saint-Sulpice ne peut plus assurer la pérennité des archives », dit M. Jorge Pacheco qui tient toutefois à préciser que « jamais, nous n’avons pensé à nous défaire de ces biens. Jamais, nous n’en avons vendus ». C’est justement ce qui donne tant la valeur à la collection patrimoniale sulpicienne. Elle est exhaustive. «On a tout, mais tout conservé», lance-t-il.
«Et on veut continuer. Il faudra peut-être repenser les choses et travailler d’une autre manière. Et ce sera dorénavant avec d’autres collaborateurs. Mais on va continuer. »