Il y a une centaine de dossiers sur la table de travail d’Alain Pronkin, un chroniqueur spécialisé en actualité religieuse. Sur l’onglet de chaque dossier, on peut lire le nom d’un individu, toujours un homme.
Depuis seize mois, le chroniqueur, qui est aussi un collaborateur occasionnel auprès de l’agence de presse Présence, dépose dans chacun des dossiers disposés devant lui les déclarations ou les prises de positions émises par ces 111 hommes, tous des cardinaux, ceux-là qui auront la tâche d’élire celui qui sera le nouveau pape.
Dès les premières pages de Qui succédera au pape François?, un livre que la maison d’édition Fides vient tout juste de publier, Alain Pronkin lance une première hypothèse, celle de la démission du pape à la fin de décembre 2020. Le pape François, élu le 13 mars 2013, a déjà annoncé que son pontificat pourrait être plus bref que long. «Je sens que le Seigneur m’a placé ici pour un temps court, rien de plus», a-t-il déclaré, en 2015, à une chaîne de télévision mexicaine.
«Le 13 décembre 2020, [le pape] sera âgé de 84 ans et aura accompli un mandat de presque 8 ans. Étant donné […] que la réforme de la curie vaticane — le dernier grand chantier du pape François — devrait être alors complétée, il est raisonnable d’envisager une démission du pape et un conclave en 2020/2021», prédit l’auteur. (Petite coquille ici: Jorge Mario Bergoglio est né le 17 décembre 1936, pas un 13 décembre.)
Si tel est le cas, son successeur sera vraisemblablement l’un ou l’autre des cardinaux que lui et ses prédécesseurs ont nommé et qui n’auront pas atteint, le 1er janvier 2021, la barre des 80 ans, l’âge limite pour se qualifier comme cardinal électeur.
«Ce qui est important, ce n’est pas de déterminer qui sera le prochain pape», convient Alain Pronkin, interrogé lors du lancement de son livre au Centre St-Pierre de Montréal le 1er novembre. «C’est plutôt de se donner une méthode pour réfléchir comment l’élection d’un pape se fait.»
Lorsque les cardinaux sont réunis en conclave, «il n’y a pas d’organisation électorale, pas de partis politiques, pas d’affiches ou de publicité pour les candidats, pas de faiseurs d’images, pas de sondages», rappelle l’auteur. Et bien sûr, aucun média n’est admis à l’intérieur de la chapelle Sixtine et des appartements où sont confinés les cardinaux électeurs.
Des outils pour classer les cardinaux
Durant seize mois, Alain Pronkin a voulu développer des outils afin d’aider le commun des mortels, «qui ne connaît pas grand-chose des cardinaux», à découvrir à qui les électeurs vont accorder leur appui.
Les cardinaux «ont-ils des idées communes, des intérêts communs, des liens entre eux?», s’est-il demandé. «Existe-t-il des éléments objectifs pouvant nous aider à déterminer avec précision les groupes en présence, les individus qui les composent, et aussi leur force au moment du vote?»
Il collige d’abord des éléments factuels sur chacun des 111 cardinaux (110 maintenant car le cardinal Jean-Louis Tauran est décédé le 5 juillet 2018 alors que son livre était sous presse) qui seront appelés à nommer le successeur du pape. Quel est leur âge? D’où viennent-ils? Quelle est leur scolarité? Et, détail qui peut prendre de l’importance lorsque se forment des groupes d’intérêt, quel «pape les a élevés au poste de cardinal»?
Ses fiches vont plus loin. Le chroniqueur a noté ce que les cardinaux ont déclaré face à des enjeux touchant ou divisant l’Église. Comment ont réagi les électeurs du prochain pape devant le scandale des prêtres pédophiles, l’accès à la communion pour les divorcés-remariés, le respect de l’environnement, le rôle des femmes dans l’Église ou encore l’accueil des réfugiés? Dans ces débats, se sont-ils opposés au pape actuel ou l’ont-ils appuyé?
En plus des fiches, de nombreux tableaux inédits présentent le groupe des cardinaux en fonction de divers critères: là où ils travaillent, leur origine géographique, leur âge, le pape qui les a nommés, etc. Ils permettent notamment de constater que lors du prochain conclave, la moyenne d’âge des cardinaux sera plutôt élevée, bien au-delà des 70 ans.
Selon les dossiers qu’il a constitués, qui donc obtiendra une majorité de votes afin de succéder au pape François?
Est-ce que ce sera le cardinal Marc Ouellet, trop jeune en 2013 pour succéder à Benoît XVI, mais aujourd’hui un influent cardinal à Rome et «un excellent défenseur de l’Église catholique romaine»? Ou le libéral Luis Antonio Tagle des Philippines qui intervient, comme François, sur de nombreux enjeux sociaux? Et si c’était le cardinal Philippe Ouédraogo du Burkina Faso qui répète l’importance du «vivre-ensemble avec la communauté musulmane»?
Les jours où les cardinaux seront confinés au Vatican afin de trouver un successeur au pape François et plus encore lorsque le cardinal protodiacre prononcera l’habemus papam, on ferait bien de relire l’inédite et nécessaire analyse que publie aujourd’hui Alain Pronkin.
Alain Pronkin
Qui succédera au pape François?
Fides, 2018
172 pages
29,95 $
Ce texte a d’abord été publié le 2 novembre 2018.
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