L’exposition Les Momies égyptiennes. Passé retrouvé, mystères dévoilés, qui a attiré plus de 200 000 visiteurs depuis le 14 septembre, remporte un succès populaire. Organisée par le British Museum de Londres, en collaboration avec le Musée des Beaux-Arts de Montréal, elle devait initialement prendre fin le 2 février. Or la voilà prolongée jusqu’au 29 mars.
Rencontrée au sortir de la dernière salle de l’exposition, Lara Vigo, conservatrice de l’archéologie et de l’art asiatique au Musée des Beaux-Arts de Montréal, nous mène vers son minuscule bureau encombré de documents et dont les murs sont tapissés d’affiches.
Celle qui fut également chargée de la présentation montréalaise de l’exposition L’empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite explique l’engouement suscité par les momies, égyptiennes en particulier, «par ce face à face, cette rencontre, avec des personnes qui sont mortes, mais qui sont encore bien présentes. Il y a aussi cette curiosité un peu morbide en même temps.»
Des personnes
L’exposition en cours insiste d’ailleurs sur le fait que derrière différentes couches de matières (bois, or, peinture) qui composent les momies égyptiennes, il y a des personnes qui ont vécu des millénaires avant notre ère.
«L’exposition veut retracer la vie de ces personnes. En utilisant ce mot, nous rendons justice à ces gens qui se sont fait momifier en pensant devenir immortels dans l’au-delà. D’une certaine façon ils ont été rendus éternels, mais probablement pas de la manière espérée…»
Grâce à des avancées technologiques, entre autres dans le domaine de la tomographie, il a été possible d’explorer l’intérieur des momies sans avoir à défaire les bandelettes.
«Ainsi, les chercheurs ont été en mesure de savoir comment elles ont vécu, pourquoi elles sont mortes, quelles ont été leurs préoccupations vis-à-vis de l’au-delà.»
Le Musée des Beaux-Arts de Montréal offre donc la possibilité de rencontrer six personnes qui ont vécu entre 900 ans avant notre ère et 180 ans de notre ère. Parmi elles se trouve Tamout. Elle était chanteuse d’Amon, le roi des dieux. Selon la documentation publiée en marge de l’exposition, elle et son père participaient aux rituels dans le temple de Karnak, «le plus important complexe religieux de Thèbes (l’actuelle Louxor).» On estime qu’elle avait entre 35 et 49 ans au moment de sa mort, 900 avant l’ère commune (AEC). Elle souffrait athérosclérose et de maladies dentaires. Grâce à la tomodensitométrie, les chercheurs ont découvert de nombreuses amulettes placées entre les bandelettes et son corps.
Les visiteurs peuvent également faire la connaissance d’un autre invité d’honneur: le grand prêtre Irthorrou qui officiait dans le temple d’Akhmim vers 600 AEC. Il avait comme fonction de «vêtir le dieu Min» tout en étant «le maître des secrets». Sa momie a été retrouvée en compagnie de plusieurs amulettes qui ont été placées sur lui. Ces artéfacts devaient assurer au défunt sa renaissance dans l’au-delà.
Hiérarchie
Laura Vigo explique que leurs contemporains croyaient que la vie quotidienne se poursuivait dans l’au-delà. «La hiérarchie sociale était respectée dans l’au-delà. Pour les Égyptiens de cette époque, il devait en être ainsi afin d’éviter le chaos!» Les pauvres avaient également la possibilité de poursuivre leur existence après la mort. «Ils devaient servir leurs maîtres. Il n’y avait pas d’échappatoires! C’était très codifié, très clôturé.»
Les riches de l’Égypte ancienne jouissaient de certains privilèges. C’est ainsi qu’on a retrouvé sur la dépouille de Tamout un scarabée de cœur. Sur cette amulette est gravé un sortilège qui avait le pouvoir de cacher aux dieux les fautes du mort lors du jugement dernier. «J’adore cette idée! Ce stratagème est tout à fait révolutionnaire!», lance Laura Vigo, un éclair de malice dans les yeux.
S’appuyant sur les dernières avancées scientifiques, l’exposition vulgarise très bien les différentes techniques utilisées par les Égyptiens ainsi que leurs croyances concernant la vie après la mort. D’ailleurs, lors de notre visite, des classes entières d’étudiants arpentaient les salles et admiraient les différents artéfacts.
Selon Laura Vigo, il est important que l’histoire du monde soit mieux considérée dans notre système éducatif. «En sachant davantage de choses sur l’autre, nous devenons plus respectueux envers lui. L’éducation dans les écoles devrait tendre beaucoup plus vers cette sorte d’humanisme. Il est dangereux de ne pas en avoir.»
Lara Vigo prépare déjà sa prochaine exposition qui portera sur le sikhisme, rendue possible grâce au don d’un mécène américain.
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