Les jours où il fallait se rabattre sur les recueils Européens ou anglophones sont révolus: les protestants francophones canadiens ont désormais leur propre recueil de chants religieux. En publiant Nos voix unies, l’Église Unie du Canada vient ainsi combler un besoin de longue date au pays, tout en permettant aux fidèles de se mettre à jour dans ce domaine.
Disponible depuis juin mais lancé officiellement la semaine dernière, Nos voix unies est le fruit d’un travail d’une douzaine d’années. Auparavant, les paroisses francophones devaient se débrouiller avec un cartable aux feuilles volantes, où il subsistait un flou sur la question des droits d’utilisation des chants.
«Nous avions déjà ce petit recueil de chants, mais on voulait l’élargir et s’assurer d’avoir les droits d’auteur pour chaque cantique», dit Kristine Greenaway, la responsable des Ministères en français pour l’Église Unie du Canada.
Une tâche qui a été confiée à Claire Borel, qui se décrit elle-même comme une «simple laïque» membre de l’Église Unie Saint-Jean, à Montréal, mais dont le travail a été fondamental dans la création du livre, puisque c’est elle qui a dû négocier une grande partie des droits d’auteur pour permettre au plus grand recueil de chants protestants francophones au Canada de voir le jour.
«Ce n’est pas le plus grand, c’est LE recueil», corrige-t-elle gentiment, rappelant le caractère novateur et inédit de l’initiative.
Sur les rails depuis quelques années déjà, le projet achoppait en raison de la difficulté à obtenir tous les droits. Un travail de moine qui a été assuré par Claire Borel.
«Dans ce genre de projet, il faut les droits pour l’auteur original, le traducteur, la mélodie, l’harmonisation, etc. Il faut l’autorisation de tous», détaille-t-elle.
«J’ai beaucoup apprécié la gentillesse avec laquelle les petits auteurs retrouvés m’ont accordé les droits, souvent gracieusement. Dans l’ensemble, les gens étaient contents qu’on les publie, qu’on les ajoute à ce répertoire», dit Mme Borel, se réjouissant devant cette solidarité entre protestants francophones des deux côtés de l’Atlantique.
L’occasion d’un ajustement
Pendant des années, les protestants d’expression française au Canada devaient mettre la main sur des recueils en provenance d’Europe, surtout de France et de Suisse. Puis, une première version de Nos voix unies sous forme de cartable a vu le jour et a été améliorée au fil des années. Bien que ce travail ait jeté les bases pour le livre qui vient de paraître, il y avait des défis supplémentaires à relever.
D’une part, poursuit Claire Borel, il fallait trouver une façon de «faire le pont» entre un véritable recueil francophone et le répertoire anglophone en vigueur en Amérique du Nord, qui est «plus riche et plus contemporain».
«Jusqu’ici, notre répertoire était d’origine européenne, et il était très protestant suisse», indique-t-elle, donnant comme exemple le fort attachement des francophones à des chants très anciens.
Par ailleurs, l’Église Unie et son équipe responsable de faire avancer ce projet souhaitaient trouver des manières de rendre plus inclusifs le langage utilisé. Une tâche parfois ardue en raison de la prédominance du masculin en français.
«Mais nous sommes tombés d’accord sur la suppression d’expressions comme ‘des soldats du Christ qui brandissent la foi’», explique Mme Borel d’un ton amusé.
Nos voix unies souhaitait aussi inclure des chants du Québec. Certains ont été composés par des pasteurs et membres de l’Église Unie du Canada, mais d’autres proviennent de collaborations œcuménique. C’est ainsi que le célèbre chanteur catholique Robert Lebel, dans un esprit œcuménique, a accordé des droits pour plusieurs de ses chants. Sensible au souci de langage inclusif de l’Église Unie, «il a même accepté d’enlever deux ou trois ‘frères’ [des paroles]», précise Claire Borel.
Le produit final compte près de 400 éléments différents, y compris quelques prières et quelques passages en d’autres langues, dont l’anglais, l’allemand, le camerounais, l’afrikaans et le latin.
«Pour nous c’est très important d’avoir la possibilité de chanter toute une gamme de cantiques qui ne sont pas que ceux qu’on chante depuis longtemps. On veut chanter des cantiques plus contemporains, qui sont aussi le reflet de la variété des visages de nos paroisses dans un recueil plus inclusif, plus moderne», insiste Kristine Greenaway. «Cela montre que nous venons de toutes les origines, et que nous pouvons prier dans toutes les langues au sein d’un même culte.»
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Nos voix unies
L’Église Unie du Canada
Toronto, 2016
29,95 $