Alors que Montréal souligne son 375e anniversaire, le personnel de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) vient de compléter la numérisation et la mise en ligne de toutes les lettres pastorales, grandes homélies et déclarations rédigées ou prononcées par les sept premiers évêques et archevêques qui ont dirigé les destinées de l’Église catholique à Montréal.
Ces trente volumineux recueils, intitulés Mandements, lettres pastorales, circulaires et autres documents publiés dans le diocèse de Montréal, regroupent les textes de Mgr Jean-Jacques Lartigue (premier évêque du diocèse, de 1836 à 1840) jusqu’aux très nombreuses déclarations et lettres du cardinal Paul-Émile Léger (archevêque de 1950 jusqu’à 1967). Les trente volumes portent des dates différentes d’impression, le premier ayant été confié en 1869 aux soins de l’imprimerie Le Nouveau Monde alors que le dernier a été édité par la maison Arbour & Dupont en 1962.
Aux archives de l’archevêché de Montréal, l’historien Michel Dahan confirme que cette collection est complète.
Les lettres et documents publiés après 1962 par le cardinal Léger et par ses successeurs Mgr Paul Grégoire, le cardinal Jean-Claude Turcotte et Mgr Christian Lépine, n’ont pas été regroupés afin dêtre insérés dans cette série de livres.
Pour Simon Mayer, bibliothécaire au développement des collections numériques à BAnQ, ces archives épiscopales sont précieuses et importantes pour comprendre les différents débats qui ont agité la société durant près de 150 ans. En parcourant ces milliers de pages, il a pu constater que «de tout temps, les évêques ont réagi à de nombreux phénomènes sociaux». Leurs déclarations, regroupées dans ces volumes, «peuvent servir de baromètre social pour la recherche sur une époque».
Chaque livre, mis en ligne en format PDF, intègre un petit moteur de recherche qui permet de trouver le texte exact d’une déclaration ou d’une lettre pastorale attribuée aux évêques Jean-Jacques Lartigue et Ignace Bourget ainsi qu’aux archevêques Édouard-Charles Fabre, Paul Bruchési, Georges Gauthier, Joseph Charbonneau et Paul-Émile Léger.
Les troubles de 1837
C’est ainsi que dans son Premier mandement à l’occasion des troubles de 1837, Mgr Lartigue donne le conseil suivant aux catholiques de Montréal. «Ne vous laissez donc pas séduire, si quelqu’un voulait vous engager à la rébellion contre le gouvernement établi, sous prétexte que vous faites partie du peuple souverain.»
«Avez-vous jamais pensé sérieusement aux horreurs d’une guerre civile?», ajoute-t-il. «Vous êtes vous représenté des ruisseaux de sang inondant vos rues ou vos campagnes, et l’innocent enveloppé avec le coupable dans la même série de malheurs?»
Le 8 janvier 1838, sa deuxième lettre sur les troubles s’en prend aux meneurs de la rébellion et déplore «que des brigands et des rebelles eussent, à force de sophismes et de mensonges, égaré une partie de la population de notre diocèse».
Le premier volume de cette collection, qui comprend les textes de Mgr Lartigue, a été publié en 1869. Il compte 528 pages.
Mgr Joseph Charbonneau
Le 19e volume (604 pages) de cette collection est consacré aux documents publiés sous le règne de Mgr Joseph Charbonneau (archevêque de 1940 à 1950). On y trouve beaucoup de textes collectifs signés par les évêques du Québec. Mais rares sont les lettres pastorales de Mgr Charbonneau qui ont été colligées dans ce livre.
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, il en a rédigé une où il encourage les catholiques de Montréal à acheter des «certificats ou des timbres d’épargne de guerre».
«C’est faire acte de bon chrétien et de bon citoyen que de ne rien gaspiller, de renoncer à toute dépense inutile ou nuisible. Ce l’est encore de confier nos grandes ou nos petites économies au gouvernement de notre pays; il en a besoin, il les garantit, il nous les rendra avec profit», écrit l’archevêque le 22 janvier 1941.
Pas un mot sur la grève de l’amiante
Mais on ne trouve, dans le volume 19, aucune trace de ses célèbres déclarations lors de la grève de l’amiante. «La classe ouvrière est victime d’une conspiration qui veut son écrasement et quand il y a conspiration pour écraser la classe ouvrière, c’est le désir de l’Église d’intervenir. Nous voulons la paix sociale, mais nous ne voulons pas l’écrasement de la classe ouvrière», avait-il lancé en chaire en mai 1949. Sa plus célèbre homélie n’a pas été conservée dans ce recueil. À regarder la table des matières du volume 19, on peut se demander si l’archevêque a même écrit une seule ligne entre 1943 et 1950.
Ces lacunes documentaires n’étonnent pas la journaliste et historienne Denise Robillard, l’auteure de Monseigneur Joseph Charbonneau. Bouc émissaire d’une lutte de pouvoir (Presses de l’Université Laval). Elle raconte que, lors de sa recherche, elle a demandé à consulter la correspondance de l’archevêque, consignée dans ce qu’on appelle les registres, «de gros livres cartonnées et cousus à la main qui contiennent toutes les lettres envoyées et reçues par un évêque». On ne lui a remis qu’«un seul registre, des lettres de 1940 à 1942. Cela faisait 70 pages. That’s all», lance-t-elle. Dans son livre, elle donne une longue liste de personnes rencontrées et de lieux visités afin de consulter les différentes pièces des archives de l’archevêque.
En 1950, Mgr Joseph Charbonneau est forcé de démissionner de son poste et il s’exile à Victoria, en Colombie-Britannique. Ce dramatique événement n’est pas non plus mentionné dans le volume 19 des Mandements, lettres pastorales, circulaires et autres documents publiés dans le diocèse de Montréal. Cette édition a été publiée en 1952, sous Mgr Paul-Émile Léger, un an avant qu’il ne devienne cardinal, en 1953.
Si la contribution de Mgr Charbonneau à cette collection de lettres partorales paraîtra plutôt mince aux chercheurs, celle de son successeur en impose par sa quantité. Les textes du cardinal Léger remplissent à eux seuls onze des trente livres numérisés et mis en ligne par BAnQ, soit quelque 7000 pages.
Mis à jour le 13 février 2017 à 9 h 40.