En novembre 2018, l’animateur d’une émission radiophonique s’est réjoui publiquement de la mort violente de John Chau, un missionnaire américain qui voulait convertir les membres d’une tribu de l’île de North Sentinel.
En déclarant, au début de l’émission Samedi et rien d’autre que cet assassinat était «la bonne nouvelle de la semaine», l’animateur Joël Le Bigot s’est permis des réflexions «malheureuses, déplorables, disgracieuses ou de mauvais goût», estime Guy Gendron, l’ombudsman de la Société Radio-Canada.
«Les paroles prononcées par M. Joël Le Bigot, l’animateur de Samedi et rien d’autre, le 24 novembre 2018, à propos de l’assassinat d’un missionnaire chrétien sur une île de l’océan Indien, ont enfreint la règle des Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada en matière de propos choquants», écrit Guy Gendron dans une décision rendue publique le 26 février 2019.
C’est un auditeur de l’émission, Normand Bédard, qui a alerté les autorités de Radio-Canada. Dans une lettre acheminée quelques jours après l’émission, il déplore que l’animateur se soit «malicieusement réjoui du meurtre d’un missionnaire chrétien».
«On s’est tout de même moqué et réjoui de la mort d’un homme», note le plaignant.
«Il n’y a ici rien de moins que de la haine dirigée contre un groupe particulier d’êtres humains. Et la réjouissance de Joël Le Bigot était tellement acerbe qu’on peut l’associer à un appel à la violence envers ceux qui ne partagent pas son athéisme. Radio-Canada laisse aller les insultes de Joël Le Bigot depuis 40 ans. Laissera-t-elle aller l’exhortation à la haine?»
Le 21 décembre, des responsables de la radio de Radio-Canada ont d’abord reconnu que «les propos de Joël Le Bigot étaient maladroits, voire déplacés». Mais, ajoutaient-ils, «nous n’y voyons aucune malice, encore moins un appel à la violence».
Mais trois semaines avant la réception de cette note, l’animateur s’est moqué du plaignant, un «pauvre petit garçon». Normand Bédard a alerté de nouveau les autorités de Radio-Canada.
«Je le répète, votre animateur s’est moqué de la mort d’un homme, et cette mort violente l’a clairement réjoui, c’était même sa ‘bonne nouvelle de la semaine’! Et vous me dites qu’il n’y a pas de malice là-dedans! D’autre part, je ne vois pas la pertinence de votre courriel, car vous ne m’offrez aucune excuse ou explication pour ses moqueries du 1er décembre à mon endroit», écrit-il.
De larges extraits des lettres ou des courriels rédigées par Radio-Canada et le plaignant font partie de la décision (10 pages) de l’ombudsman Guy Gendron, tout comme la transcription intégrale des propos de l’animateur.
Révision de l’ombudsmanRC: L’assassinat d’un missionnaire chrétien célébré comme « la bonne nouvelle de la semaine » par Joël Le Bigot: les limites du bon goût et des NPJ. (Samedi et rien d’autre) https://t.co/IkH6Or0BeC#médias #éthique #journalisme
— Guy Gendron (@guygendronRC) 26 février 2019
En révisant tous les faits, l’ombudsman en conclut que «la satisfaction manifestée par M. Le Bigot devant la mort violente du missionnaire n’était pas essentielle pour bien rendre compte de ce qui s’était produit».
«Il ne m’apparaît pas non plus que les valeurs généralement partagées par la société québécoise ou canadienne soient compatibles avec la réjouissance devant la mort d’un être humain, fut-il missionnaire et imprudent.»
Il est toutefois exagéré d’y voir une «exhortation à la haine» contre «un groupe particulier».
«Aussi blessantes qu’elles puissent être, les remarques de l’animateur sur un missionnaire assassiné par une tribu autochtone à l’autre bout du monde ne peuvent pas être considérées comme un appel à la violence envers les chrétiens d’ici», argumente M. Gendron.
Quand aux moqueries de Joël Le Bigot envers le plaignant, elles contreviennent «à la disposition des Normes et pratiques journalistiques, qui exhorte tous les artisans de Radio-Canada à agir de façon responsable», ajoute l’ombudsman de Radio-Canada.
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