Présenté à guichets fermés pour la toute première fois lors des Rencontres internationales du documentaire de Montréal de 2019, le premier long métrage de Maxime Faure interroge les souvenirs, le quotidien mais surtout l’avenir de religieuses – elles étaient dix au début du tournage – les toutes dernières membres québécoises de leur congrégation.
Des images d’Ainsi soient-elles montrent la députée Manon Massé embrassant avec affection Christiane Sibillotte, une pharmacienne et religieuse venue de France en 1949 afin d’implanter au Québec la communauté des Sœurs auxiliatrices – au long, les Auxiliatrices des âmes du purgatoire, une congrégation fondée en 1856 par la bienheureuse Eugénie Smet.
La députée solidaire et la religieuse sont des amies depuis la Marche du pain et des roses de 1995, une manifestation coordonnée par la féministe Manon Massé et à laquelle avait pris part Christiane Sibillotte, alors âgée de 79 ans. La doyenne des marcheuses avait parcouru, en dix jours et sans jamais fléchir, la distance entre Montréal et Québec.
«C’était une marche pour les droits des femmes», a-t-elle raconté, en avril 2016, alors qu’elle célébrait son 100e anniversaire. «Dans le travail qu’on faisait, on voyait bien que les femmes étaient abandonnées, mal servies. On vivait sous le règne des hommes.»
Le jour de sa fête, la caméra de Maxime Faure a capté ce moment où Manon Massé lui a remis la médaille de l’Assemblée nationale. On a pris soin d’y graver ces mots: «À cette grande marcheuse qui ne cessera jamais de nous inspirer.»
La religieuse féministe, qui se définissait aussi comme socialiste et indépendantiste, est décédée le 22 décembre 2017. Quelques mois plus tard, décèdera une autre auxiliatrice, Rachel Payment, 88 ans, la fondatrice du Centre d’action bénévole de Granby.
«Prévisible disparition»
Il ne reste aujourd’hui que huit religieuses auxiliatrices au Québec. Dans Ainsi soient-elles, toutes parlent avec sérénité et même humour de leur «prévisible disparition» et se demandent «comment fermer les livres».
«Nous sommes des auxiliatrices, pas des auxiliaires tristes», lance la religieuse et militante Gisèle Ampleman, connue pour son engagement à la défense des personnes assistées sociales. «D’autres vont prendre le relais», dit-elle sans amertume, et rejoindre ces luttes féministes, syndicales, internationalistes et pacifistes auxquelles les religieuses participent encore aujourd’hui.
«Nous sommes des femmes de terrain, qui allient la contemplation dans l’action», a expliqué Gisèle Ampleman, rencontrée le soir du dimanche 17 novembre à la sortie de la salle de cinéma où était projeté le long métrage documentaire de Maxime Faure.
«Mes plus grands moments de prière ont eu lieu durant ces manifestations faites avec les personnes assistées sociales», a-t-elle ajouté.
«Leur Église, elle est sur le terrain, dans les gestes», répondait quelques instants plus tôt le jeune réalisateur de 29 ans lorsqu’une cinéphile lui a demandé pourquoi ne pas avoir pris le temps de filmer les religieuses durant leurs moments de prière.
Présentes dans les luttes sociales depuis soixante-dix ans, les religieuses auxiliatrices – elles ont déjà été 35 au Québec – sont aussi bien connues pour les questions qu’elles n’hésitent pas lancer à l’Église, «une institution hiérarchique, patriarcale, hautement pyramidale», selon les mots de Suzanne Loiselle, une auxiliatrice, ex-directrice générale de la défunte Entraide missionnaire.
«Je suis convaincue que je vais mourir sans que l’Église ne soit transformée», a-t-elle confié dimanche soir. «Mais ce qui me donne espoir, c’est ce qui se passe à la base, dans ces réseaux où l’on milite. L’Église, qu’on la nomme ainsi ou pas, c’est l’expérience de l’accueil des personnes, c’est les luttes sociales. Des rapports égalitaires, des rapports de justice, on en construit déjà. C’est l’Église au ras des pâquerettes.»
«Ainsi soient-elles!», s’est alors exclamé le réalisateur Maxime Faure.
Ainsi soient-elles
Réalisation: Maxime Faure
2019 – 75 minutes
Représentations à venir:
– le mardi 19 novembre à 15 h 30, Cinéma du Parc à Montréal
– le mercredi 20 novembre à 15 h 15 et 19 h 30, SPEC, Théâtre des 2 rives à Saint-Jean-sur-Richelieu