Aucun doute, Gilles Dugal va raconter plusieurs fois ce qu’il a vécu ce mardi 6 juin 2017 à Québec. Le nouveau député de Gouin, Gabriel Nadeau-Dubois, l’a invité ainsi que sa conjointe à assister à son assermentation et à entendre les premiers mots qu’il a prononcés à l’Assemblée nationale du Québec.
Est-ce parce que Gilles est membre de Québec solidaire et qu’il a participé à la récente campagne électorale de l’ex-leader étudiant? L’explication ne tient pas la route. Si le nouveau député avait voulu remercier tous ses collaborateurs, il aurait dû obtenir quelques centaines de laisser-passer!
La raison? C’est que cet organisateur communautaire et militant de 75 ans fait partie de la garde rapprochée de Gabriel Nadeau-Dubois. Gilles Dugal est le parrain du jeune homme dont les parents se sont rencontrés au sein du Mouvement des étudiants chrétiens du Québec (MECQ) où, prêtre de l’archidiocèse de Montréal, il était alors aumônier.
Le parrain est visiblement très fier de son filleul. Il estime que son engagement politique est «un acquis pour le Québec et pour notre vie démocratique».
En novembre dernier, quand Gilles Dugal a publié son autobiographie, il n’a pas hésité à la dédier aux trois jeunes gens dont il est le parrain. «À Andréanne, Étienne et Gabriel, qui enchantent et inspirent ma vie», a-t-il noté en première page. Son récit de vie, comme il préfère qualifier son livre Aux frontières du sacré et du politique (Éditions L’Harmattan), «je l’ai écrit pour mes filleuls», raconte-il avec émotion.
«Je n’ai pas d’enfants et je suis préoccupé de transmission. Je crois dans la richesse de la transmission entre les générations. Et, disons-le, je voulais une trace de mon passage.»
Un long passage qui l’aura mené de la prêtrise – il a été ordonné en 1967, l’année de l’Expo – à la direction de la défunte Revue Vie ouvrière, en passant par l’engagement dans la vie de couple à l’âge de 44 ans et un travail d’intervenant en soins spirituels dans un centre hospitalier.
«Je souhaite partager mon histoire de vie, comme on partage la table.» Son récit raconte «l’itinéraire de foi et d’errance spirituelle» d’un homme qui a un jour «divorcé de l’institution ecclésiale» et qui a dû emprunter un long chemin de libération.
Parcourir les routes de Gilles Dugal, c’est pour une rare fois, entrer «dans l’univers des personnes engagées en Églises, prêtres, religieux et religieuses, à l’époque où, au Québec, le concile Vatican II rejoignait la Révolution tranquille», écrit en préface Robert Mager, aujourd’hui professeur retraité de l’Université Laval.
Son récit «nous fait comprendre de l’intérieur l’évolution et les tourments qui ont poussé plusieurs de ces personnes à changer de cap de vie, tout en restant profondément attachées à l’Évangile», ajoute le théologien qui a lui aussi été membre du MECQ au début des années 1980, tout comme les parents de Gabriel Nadeau-Dubois.
Dans le dernier chapitre de son autobiographie, l’auteur réfléchit sur le sens de sa vie. C’est là qu’il emploie, pour la première fois, l’expression prêtre marié pour se définir. Par exemple, en 2015, lors des funérailles d’un grand ami, il constate avec douleur, que «depuis 28 ans, comme prêtre marié», il n’a «jamais pris la parole officiellement dans une église».
Bien qu’il ne soit «ni le premier, ni le seul à vivre cette situation», il estime aujourd’hui que «le coût pour avoir été « infidèle » à son engagement» aura été particulièrement lourd à porter, ses offres de travail en milieu ecclésial ayant été constamment refusées.
Dorénavant à la retraite, Gilles Dugal partage cette ferme conviction, tant aux lecteurs de son récit de vie qu’à ses filleuls. C’est «comme prêtre marié» qu’il entend «continuer à œuvrer à la construction du Royaume et de la Maison commune».
Gilles Dugal
Aux frontières du sacré et du politique
L’Harmattan, 2016
136 pages