Quand on appartient à la majorité historiquement chrétienne de ce pays, on est libre de fêter Noël comme on veut, que l’on préfère une version religieuse, païenne, culturelle ou commerciale. Est-ce la même réalité pour les familles «non chrétiennes» vivant au Canada? Nous avons posé la question à trois personnes s’identifiant aux religions musulmane, juive et bouddhiste. Voici leurs réponses.
«Noël n’a jamais été une fête religieuse… même pour les chrétiens! lance Larry Weinstein, le réalisateur du documentaire Dreaming of a Jewish Christmas (Riddle Films, 2017, 52 min.), joint au téléphone. Et puisque plusieurs éléments ont été récupérés de cultures antérieures – l’arbre de Noël, les cadeaux, même l’idée de la Vierge qui accouche – ça me paraît approprié que cette fête appartienne à toute l’humanité!»
C’est dans cet état d’esprit que le Torontois de confession juive embrasse la féérie de Noël, année après année, en allant couper lui-même son sapin dans les bois et en couvrant généreusement ses filles de cadeaux.
Pour la Québécoise Cindy Bach, de confession bouddhiste et dont le père fait partie des «boat people» qui ont fui le Vietnam, Noël n’a pas davantage de connotation religieuse.
«Pour moi, c’est une fête culturelle. Personne de mon entourage ne va à la messe de minuit, et la référence à la religion est quasi inexistante, à l’exception de la crèche sous le sapin – quand il y en a une. De plus, on ne met pas l’accent sur les cadeaux, mais plutôt sur le fait de se rassembler.»
Même sobriété dans la maison d’Hadjira Belkacem, présidente de l’Association de la Sépulture musulmane au Québec. La famille musulmane de Montréal célèbre Noël autour d’un repas sans artifices, exempt de sapin et de décorations flamboyantes.
«Le père Noël n’est pas une figure très présente chez nous», dit la mère de trois ados. Ici, la fête conserve cependant sa dimension religieuse: «On souligne la naissance de Jésus, qui est une personnalité exemplaire. On parle de ses valeurs et de son message. C’est un prophète qui est très présent dans le Coran.»
Un Noël juif… à saveur chinoise?
On ne peut pas parler de Noël «non chrétien» sans aborder la surprenante tradition juive de passer la veille de la Nativité dans un restaurant chinois. Cette habitude est suffisamment ancrée dans les mœurs pour servir d’amorce au documentaire Dreaming of a Jewish Christmas, ci-haut mentionné.
«Quand j’étais jeune, raconte le narrateur du film, j’avais l’impression que tout le monde fêtait Noël, avec des guirlandes et des cadeaux… Tout le monde sauf nous, parce que nous étions juifs. Mais comme plusieurs juifs, nous étions déterminés à ne pas être laissés de côté. Donc, mes parents nous embarquaient dans la voiture [et nous emmenaient dans un restaurant chinois]. Alors, même si, techniquement, on n’est pas censé fêter la naissance de bébé Jésus, les juifs ont trouvé le moyen de célébrer Noël… à leur façon!»
Pourquoi chinois, spécifiquement? «Parce que ce sont les seuls restaurants ouverts la veille de Noël, explique Larry Weinstein. C’est une tradition présente partout en Amérique du Nord. D’ailleurs, j’en ai vu des manifestations à Montréal, dans le cadre de mes recherches.»
Comme pour donner raison au documentariste, Cindy Bach précise pendant l’entrevue que fêter Noël a toujours été compliqué dans sa famille, justement parce que sa famille travaille dans la restauration: «La particularité de notre Noël est la date à laquelle on le fête… Quand j’étais jeune, nous ne fêtions Noël pratiquement jamais le 24 ou le 25, parce que tout le monde travaillait!»
La fête des enfants, d’abord et avant tout
Si Hadjira Belkacem fête Noël, c’est en grande partie par la volonté de ses garçons: «Cette année, ce sont eux qui m’ont demandé: maman… on fait quelque chose pour Noël, hein? C’est normal, ils en entendent parler à l’école. Et puis, il faut bien reconnaitre que nous sommes dans un pays de culture chrétienne: il faut respecter cela et s’adapter. Je trouve que Noël est une très belle fête, à la fois lumineuse et rassembleuse.»
Le facteur «enfants» a aussi son incidence dans la famille Bach: «Il est certain que Noël et ses éléments typiques seront mis de plus en plus de l’avant dans un futur proche avec les bébés qui commencent à apparaitre dans la famille, concède Cindy Bach. Il y a aussi le fait qu’on soit la première génération à être nés ici au Québec. Peut-être verrons-nous des sucres à la crème et une dinde dans nos prochains Noël! Qui sait?»
Larry Weinstein, lui, en bon vivant, accueille toutes les fêtes où l’on donne des cadeaux: «Je crois que nous avons oublié d’informer nos filles que le père Noël n’existait pas!», dit-il à la blague. Et donc, même si elles sont grandes maintenant, la tradition du sapin de Noël continue de perpétuer dans la famille Weinstein, au grand bonheur de ses filles.
Le documentaire Dreaming of a Jewish Christmas peut être visionné au Canada à cette adresse.
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