Des reliques volées par des chevaliers, de la torture dans les cachots romains, des gifles au concile œcuménique, et un généreux évêque ayant bouleversé la tradition de Noël. Saint Nicolas eut un destin unique où s’entremêlent miracles et légendes. Présence a suivi les traces du personnage, en Turquie.
Les vagues de la Méditerranée se brisent en douceur sur une longue plage de sable doré qui s’étire jusqu’aux montagnes pastel. Nous sommes loin d’un décor de rennes au pôle Nord. C’est pourtant ici, dans le sud-est de la Turquie, qu’est né saint Nicolas, à l’origine de la légende du père Noël.
Saint Nicolas vient au monde à Patara autour de l’an 270. À l’époque, la ville constitue le plus important port de Lycie, une confédération de villes semi-autonomes au sein de l’Empire romain. Les habitants, convertis au christianisme dans la foulée des missions de saint Paul, sont persécutés au sein de l’empire.
Très jeune, saint Nicolas hérite d’une importante fortune de ses parents, emportés par la peste, avant de devenir évêque de Myre. Cette ville, surplombée par une nécropole creusée dans la falaise, vit du commerce florissant de la pourpre. L’évêque se démarque très vite pour sa générosité et sa bonté envers les enfants et les marins.
On raconte que saint Nicolas a déposé, pendant trois nuits, un sac rempli d’or dans la maison d’une famille pauvre, afin d’assurer la dot nécessaire pour le mariage de trois sœurs promises à la prostitution. Les oranges données aux enfants pendant des générations représentent ces pochettes d’or laissées par le saint homme. Selon la légende, il a aussi ressuscité trois enfants assassinés par un méchant aubergiste et sauvé du naufrage un navire pris dans la tempête.
Des analyses sur ses restes ont révélé des blessures à la colonne vertébrale et à la cage thoracique. Comme plusieurs chrétiens, saint Nicolas est emprisonné et torturé dans les geôles romaines. Il est libéré 20 ans plus tard par l’empereur Constantin, qui mit fin aux persécutions des chrétiens.
Après sa libération, l’évêque de Myre participe au premier concile œcuménique de Nicée, en 325, dans l’actuelle ville d’Iznik près d’Istanbul. Lors de l’événement, qui réunit plus de 300 évêques et représentants de l’Église, saint Nicolas gifle le théologien Arius, qui allègue que Jésus est subordonné à Dieu. Le Lycien est aussi un fervent opposant au paganisme. Il fait d’ailleurs détruire un temple de Myre en l’honneur de la déesse romaine de la chasse. Saint Nicolas meurt le 6 décembre 345 et devient rapidement l’un des plus importants saints du christianisme.
Reliques, traditions et héritage
Des ruines effleurent sous la surface turquoise de la mer. Sur l’île Gemiler, une longue procession religieuse se fraie un chemin jusqu’à une église, qui aurait vraisemblablement hébergé la dépouille de saint Nicolas selon des fouilles archéologiques. Les précieuses reliques auraient ensuite été transférées dans la cathédrale de Myre autour de l’an 600, pour les protéger des nouveaux conquérants musulmans du territoire. Quelque 500 ans plus tard, les chrétiens d’Europe s’inquiètent du destin des reliques en terre musulmane. Après avoir trompé les moines de Myre, des Italiens brisent le sarcophage du saint homme pour s’emparer des reliques, qu’ils apportent à Bari en Italie. Certaines reliques sont à leur tour dérobées dans le transport. Le chevalier Lorrain Aubert de Varangéville vole ainsi une phalange pour l’amener en Lorraine, où est fondé un autre lieu de pèlerinage en l’honneur du Lycien.
Le saint homme devient de plus en plus populaire pendant le Moyen-Âge. Il devient le patron de pays et de nombreuses villes en Europe. Saint Nicolas devient le patron de la Russie et l’un des plus importants saints de l’Église orthodoxe. Son nom sera donné à des tsars, comme Nicolas 1er, qui parrainera d’ailleurs la restauration de l’église de Myre laissée à l’abandon.
Le 6 décembre, la fête de la Saint-Nicolas est célébrée dans plusieurs pays. Le saint passe dans les maisons pour apporter des friandises aux enfants, parfois accompagné du Père Fouettard, qui menace de punir les coquins de coups de fouet. Le nom du père Noël en anglais tiendrait d’ailleurs son origine de la Sinterklaas, le nom de la Saint-Nicolas en néerlandais.
Même si saint Nicolas a conquis le monde chrétien, peu de traces restent de lui sur son lieu d’origine. Les chrétiens ont été expulsés de la Lycie en 1923, lors du tragique échange de populations entre la Turquie et la Grèce. Les dernières fresques d’origine s’effacent silencieusement sur les murs de l’église de Myre. Sur le site archéologique de Patara, une courte phrase fait mention du saint sur un panneau d’information. Mais dans les pays chrétiens, son héritage contribue peut-être un peu, à chaque année, à la magie de Noël.
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