Des œuvres de l’artiste Guido Nincheri, celui qu’on surnomme le Michel-Ange de Montréal, seront bientôt révélées aux fidèles qui fréquentent l’église Sainte-Madeleine d’Outremont. Recouverts de peinture blanche au cours des années 1960, ce sont trois tableaux de Nincheri qui pourront être admirés dès le mois d’avril, au terme d’un patient travail de restauration.
«Tout est blanc dans cette église», reconnaît Hubert Sacy, coordonnateur de la campagne de financement «Sainte-Madeleine à l’heure de l’Italie». Il a toujours sous la main des photos récentes de l’église paroissiale pour confirmer ses propos. «Voyez, il n’y a qu’un seul tableau que ces ignorants, n’hésite-t-il pas à lancer, n’ont pas fait recouvrir.»
Ce tableau de Nincheri, c’est celui de Madeleine au pied de la croix que l’on voit derrière le maître-autel. Et ces «ignorants», ce sont ceux qui au nom du renouveau liturgique, ont modernisé de nombreuses églises en effaçant ou même en détruisant des éléments de leur passé.
L’église Sainte-Madeleine a été décorée au début des année 1930 par Guido Nincheri. L’artiste italo-canadien y a réalisé 26 murales et tableaux en plus de fabriquer ses vitraux, heureusement toujours en place! Les peintures marouflées (exécutées sur toile puis collées) ont toutefois été recouvertes de peinture.
Hubert Sacy sort alors des photos d’époque pour rappeler ce fait. Dans cette église, «il n’y avait pas un millimètre qui n’était pas peint». «C’était sans doute trop», convient-il mais ce n’était certainement pas une raison pour effacer l’entièreté des œuvres. Ceux qui se sont empressés de rénover l’église Sainte-Madeleine d’Outremont au lendemain du concile Vatican II ont carrément péché par «excès de zèle» et «jeté le bébé avec l’eau du bain», estime-t-il.
«Franchement, ils auraient pu se calmer un peu», dit celui qui coordonne le comité qui cherche aujourd’hui à recueillir une somme de 175 000 $ afin de révéler, au terme d’un minutieux travail de restauration, «millimètre par millimètre», trois œuvres de Guido Nincheri situées du côté droit de l’église.
Un ensemble exceptionnel
«Quel projet excitant», dit le muséologue Paul Labonne. «Les œuvres de Guido Nincheri vont mettre en lumière un ensemble exceptionnel.» Après tout, cet artiste n’a pas mené ailleurs d’autres projets mettant spécifiquement en valeur la vie de sainte Madeleine.
Actuel directeur général du Musées des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal, Paul Labonne est aussi un spécialiste de Guido Nincheri, un artiste surdoué, qui «déclassait» tous les autres artistes, «capable, tout à la fois, de concevoir le mobilier liturgique, de faire le décor peint et de créer les vitraux d’une église». Et ce qu’il a réalisé dans l’église Sainte-Madeleine d’Outremont, il y a près de cent ans, est tout simplement remarquable.
Comment peut-il en être certain? Il raconte que lorsqu’il travaillait à l’Atelier d’histoire d’Hochelaga-Maisonneuve, il a acquis du fils de Guido Nincheri les maquettes originales qui ont servi au décor de l’église. «J’ai vu les tableaux avant qu’ils ne soient peints, sous la forme des maquettes.»
«C’est un projet unique», répète-t-il. Cette église d’Outremont possède déjà des vitraux qu’il qualifie d’exceptionnels, «parmi les plus beaux que Nincheri ait réalisés». Si on peut maintenant retrouver les toiles de sainte Madeleine et, éventuellement, le décor peint, «ce sera un plus pour tout le patrimoine d’Outremont». Paul Labonne rappelle que l’église Saint-Viateur et la chapelle de la maison-mère des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, dorénavant un bâtiment privé, contiennent aussi des œuvres de l’artiste.
Il explique aussi que ce n’est pas qu’à Sainte-Madeleine que des tableaux ont été cachés ou enfouis sous des couches de peinture. «Les années 1960, c’est le renouveau de l’art religieux. L’art figuratif était moins populaire. On allait davantage vers l’abstraction.» Guido Nincheri est tout simplement «passé dans le collimateur» de ceux qui voulaient «renouveler» les églises. C’était «un peu l’artiste à abattre durant ces années-là», déplore-t-il.
Heureusement, «on pense qu’à Sainte-Madeleine, c’est du latex qui a été déposé sur le décor de Nincheri», confie Paul Labonne. La restauration aurait été plus ardue si on avait enduit les murs de peinture à l’huile.
Campagne de financement
Autre bonne nouvelle. «Il ne manque plus que 20 000 $» pour réaliser les travaux nécessaires, se réjouit Hubert Sacy, ex-directeur général d’Éduc’alcool, en présentant les événements-bénéfice que son équipe et lui organisent ces jours-ci à l’église Sainte-Madeleine.
Déjà, le samedi 25 février, un concert de l’organiste François Zeitouni s’est tenu. «Le concert s’est superbement bien déroulé», dit Hubert Sacy. Près de 200 personnes étaient présentes.
Le dimanche 5 mars, c’est un concert de musique de chambre qui y sera présenté. Deux autres événements musicaux sont aussi au menu les 14 et 24 mars, tous deux organisés par l’Institut italien de la culture qui tenait à s’associer à cette reconnaissance de l’artiste Nincheri.
Enfin, le dimanche 26 mars à 10 h, une messe solennelle en italien clôturera cette campagne de financement. Elle sera présidée par le vicaire épiscopal Pierangelo Paternieri, qui est aussi le directeur de l’Office des communautés culturelles et rituelles de l’archidiocèse de Montréal.