C’est devant 500 personnes qu’a eu lieu le 16 décembre l’avant-première du documentaire Signes des temps produit par l’Entraide missionnaire (EMI) dont la fermeture définitive est prévue pour le mois de mai 2018.
«Je suis heureuse de constater que vous êtes venus en grand nombre. Nous sommes samedi et vous aviez certainement d’autres choses à faire!»
Cette remarque, lancée en forme de bienvenue par Molly Kane, coordonnatrice de l’Entraide missionnaire, souligne l’importance que revêtait pour plusieurs la présentation de ce documentaire.
La production de Signes des temps s’inscrit dans le processus de transition devant conduire à la fermeture définitive de l’EMI. «Nous voulions jeter un regard sur ses activités passées et présentes ainsi que sur son legs pour les générations à venir», souligne Molly Kane.
La réalisation de ce documentaire a été confiée à Julien Deschamps-Jolin et à Jonathan Boulet-Groulx, deux jeunes réalisateurs qui travaillent au sein de la maison de production Approprimage.
«Cela a été pour moi une grande révélation de découvrir ce type de religieux. Nous les jeunes nous avons souvent l’image d’une Église plus fermée. Cela a été merveilleux de découvrir tous ces gens si dévoués au bien-être des autres», a confié Julien Deschamps-Jolin.
«Vous avez tous des histoires de vie passionnantes !», a lancé son collègue Jonathan Boulet-Groulx.
Afin de mener à bien leur entreprise, les deux réalisateurs ont décidé de suivre Catherine Paquin, permanente de l’Entraide missionnaire. Elle travaille actuellement au processus de transition qui doit aboutir à sa fermeture prochaine.
Les questions de cette jeune, membre de l’EMI depuis 2014, servent de fil conducteur tout au long du documentaire d’une durée de 60 minutes. C’est avec elle que nous partons à la rencontre des principaux acteurs qui ont façonné l’histoire de l’EMI depuis ses débuts en 1958. Nous rencontrons également deux universitaires, Catherine Foisy, professeure au Département de sciences des religions à l’Université du Québec à Montréal et Maurice Demers, professeur agrégé au Département d’histoire de l’Université de Sherbrooke. Ils nous expliquent le contexte socio-historique dans lequel a évolué l’Entraide missionnaire.
Un des premiers acteurs à intervenir dans le documentaire, Dominique Boisvert, membre de la permanence et responsable de la recherche, de la rédaction et de l’animation entre 1980 et 1985 rappelle que la formation de l’EMI est le fruit d’une volonté de se battre contre la décision du gouvernement canadien qui exigeait que les communautés religieuses remboursent les frais occasionnés par le rapatriement des missionnaires, qu’il avait lui-même décrétés, tout juste après le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.
Il souligne également que durant les années 1960, l’EMI, tout comme l’Église québécoise, a vécu les turbulences créées par Vatican II et par l’émergence de la théologie de la libération. Des membres de l’EMI issus des communautés religieuses quittèrent l’organisation, car ils devenaient moins à l’aise avec ses nouvelles orientations qui remettaient en question les anciennes manières de concevoir la mission.
«Ce fut une décennie d’intenses réflexions sur les mécanismes sociaux qui produisent les sociétés inégalitaires. Cette analyse beaucoup plus politique, l’Église et les communautés religieuses n’étaient pas habituées à cela», rappelle Dominique Boisvert.
Avec le temps, comme le démontre les différents témoignages entendus dans le documentaire, les communautés religieuses s’adaptent à la nouvelle donne internationale. Elles deviennent même le fer de lance d’une nouvelle conception de la mission, davantage axée sur l’écoute des besoins des peuples et sur une remise en question des structures de la société et de l’Église. Cette orientation a soulevé des critiques au sein de la hiérarchie ecclésiastique.
«Dès le début, précise Suzanne Loiselle, membre de la communauté internationale des Sœurs Auxiliatrices, et figure marquante de l’EMI durant près de 30 ans, les fondateurs ont tenu à ce que l’organisme soit autonome. Autrement dit, ils voulaient qu’il ne relève d’aucune instance religieuse ecclésiale. Cela veut dire que l’on ne dépend pas de l’Assemblée des évêques du Québec. Nous avons toujours tenu à garder notre autonomie et à ne pas rendre des comptes aux évêques. Cela a énervé du monde, et pas à peu près!», lance-t-elle.
Le documentaire soulève également en filigrane la question du futur du christianisme dit social dans l’Église québécoise. Plusieurs commentaires du public, composé majoritairement de représentants de communautés religieuses, ont porté sur la perte énorme que représente la fermeture de l’EMI qui était un lieu où pouvait s’exprimer librement une autre vision de la mission et du rapport aux peuples.
Le documentaire Signes des temps sera accompagné, d’ici quelque mois, par une anthologie composée de soixante textes publiés durant les soixante années d’existence de l’EMI.
D’ici le mois de mai 2018, d’autres initiatives marqueront la dernière année de l’Entraide missionnaire qui espère voir son legs être repris par d’autres acteurs de l’Église et de la coopération internationale.