La caméra fixe longuement un large couloir où sont empilés des meubles des tiroirs et des bancs. Tout au fond, une religieuse observe, sans bouger, ce corridor qu’elle n’empruntera plus et ces objets qui seront bientôt confiés aux déménageurs.
Cette moniale dominicaine est trop loin pour qu’on puisse voir ses traits. Mais on sent déja les émotions qu’elle vivra lorsqu’elle et ses compagnes quitteront définitivement leur monastère de Berthierville pour emménager dans une aile du couvent des Dominicaines de la Trinité à Shawinigan.
Cette scène du documentaire Amoureuses qui prend l’affiche ce vendredi 27 septembre illustre bien le déchirant processus de décroissance auquel font face les religieux et les religieuses d’aujourd’hui, toutes congrégations confondues. L’absence de relève, le vieillissement des membres et le poids de bâtiments devenus trop grands entraînent inévitablement un déménagement.
«La mort, ce n’est pas la fin. C’est le commencement d’une autre vie», lance pourtant cette moniale interrogée par la réalisatrice et productrice Louise Sigouin, qui a passé une bonne année dans ce monastère de Berthierville afin de raconter l’histoire de ces moniales et ainsi «sauver le monastère et archiver cette mémoire».
Les moniales se présentent une à une devant la caméra et confient à Louise Sigouin leur histoire et la joie qu’elles ont de partager «une vie communautaire empreinte de compassion, de bonté, de délicatesse et d’amour vrai».
Une religieuse raconte ainsi qu’elle est une «une vocation tardive» et lance ensuite cette confidence à laquelle on ne s’attend pas: «Tous mes amis, ma famille, mes enfants même, personne n’était d’accord avec ce que j’avais entrepris comme recherche.» Puis défilent à l’écran des images prises le jour de son entrée définitive au monastère et les baisers qu’elle échange avec ses enfants et ses petits-enfants, sous les regards amusés ou attendris de ses consœurs.
«J’aime les gens, ceux qui viennent ici pour des conseils. Et j’aime bien la compagnie des hommes», lance une autre avant de raconter «qu’elle s’est mariée et a eu cinq enfants, dont deux sont décédés du sida, l’aîné et le cadet».
Ces moniales se révèlent des femmes attachantes au cœur d’un «monde que je ne connaissais pas mais qui m’a charmé», dit la réalisatrice. Louise Sigouin, qui a «fait partie d’elles durant une année», a d’abord filmé à l’extérieur puis a obtenu la permission de tourner à l’intérieur du monastère jusqu’au jour du déménagement.
«J’ai été happée par leurs rituels, l’harmonie de leur monastère», ajoute-t-elle. «J’ai été happée par leur beauté», conclut Louise Sigouin qui entend continuer de fréquenter les moniales dans leur nouvelle demeure de Shawinigan.
Amoureuses
Un film de Louise Sigouin
Durée : 75 min
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