En 2010 paraît le premier long métrage d’Annabel Loyola. La folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance, est le tout premier film consacré à la cofondatrice de Montréal. Son deuxième long métrage, Le dernier souffle, au cœur de l’Hôtel-Dieu de Montréal, est présenté au printemps 2017.
Les âmes errantes, le plus récent court métrage documentaire écrit et réalisé par Annabel Loyola, est proposé en première canadienne aux Rendez-vous Québec Cinéma le 28 février.
Présence : Dans Le dernier souffle, vous avez raconté les dernières heures de l’Hôtel-Dieu de Montréal, un hôpital qui a fermé ses portes en novembre 2017. Dans Les âmes errantes, vous retournez sur les lieux, désormais inoccupés. À part des couloirs et des chambres vides, qu’est-ce que vous y avez trouvé?
Annabel Loyola : J’y ai trouvé des… âmes errantes.
Nous sommes en décembre 2017. Je revenais de présenter Le dernier souffle à Val d’Or. Mon autobus passe devant l’Hôtel-Dieu. Je constate que toutes les lumières sont éteintes. C’est un choc. Le dôme de la chapelle, toujours allumé la nuit, est même éteint. La statue de Jeanne Mance n’est pas éclairée. C’est anormal. Ce n’est pas parce qu’on ferme un hôpital que le patrimoine cesse d’un coup d’exister!
J’ai envoyé un courriel à un responsable et j’ai reçu très rapidement une longue réponse. On allait vite dépêcher une équipe pour remplacer les ampoules et réparer les circuits électriques abimés après une récente panne générale d’électricité. J’ai trouvé formidable qu’on m’ait répondu comme si j’étais la superviseure! Je découvrais que des anges gardiens veillaient toujours sur cet hôpital.
Cet événement m’a inspiré. J’ai voulu retourner sur les lieux pour capter les sons qu’on entend toujours et l’ambiance qui règne dans ce lieu désormais vacant. Dans Les âmes errantes, on voit qu’il s’y passe encore des choses, qu’elles soient bien réelles ou encore dans notre tête. Les images que j’ai tournées montrent aussi que les bâtiments ne sont ni délabrés, ni abimés.
Depuis le 5 novembre 2017, l’Hôtel-Dieu n’est plus un hôpital, la vocation qu’il avait depuis les débuts de Montréal. Son déménagement était prévu depuis des années. Mais rien n’a été fait pour s’enquérir de ce qu’il allait devenir. C’est ce qui m’inquiète le plus. Que l’on n’ait pas su redéfinir ce que serait cette institution qui a pourtant le même âge que la ville.
Qu’est-ce que cela dit de notre société et de sa relation à sa propre histoire?
Ça en dit long… C’est le désintérêt total. On le constate partout, et pas seulement pour le patrimoine religieux. On dilapide notre patrimoine.
Mais un élément me rassure. Et c’est aussi pourquoi j’ai voulu faire ce film. Tant et aussi longtemps que la troisième phase de construction du nouveau CHUM ne sera pas terminée, le CHUM aura besoin de locaux de l’Hôtel-Dieu pour y héberger ses cliniques externes, des bureaux et des espaces d’entreposage. Actuellement, le quart des huit bâtiments est occupé.
À cause de cela, l’Hôtel-Dieu est en sursis. Il faut en profiter pour relancer le débat sur son avenir. Je souhaite y participer par mon film, aussi court soit-il. Les âmes errantes, c’est un poème cinématographique que je lance dans cette réflexion.
Les âmes errantes sera présenté aux Rendez-vous Québec Cinéma en même temps qu‘Amoureuses de Louise Sigouin. Dans ce dernier film, la cinéaste raconte la vie dans une couvent que des moniales vont incessamment quitter. Ce soir, on verra donc deux documentaires sur des départs sans retour. Est-ce la fin d’un monde?
Ce n’est pas la fin d’un monde, mais plutôt la fin d’un cycle qui a marqué notre histoire. On arrive à quelque chose de nouveau.
Au cœur de tout cela, il y a des valeurs. Des valeurs qu’il ne faut pas perdre et qu’il nous faut retrouver. Si ces valeurs ne se matérialisent pas dans un lieu où l’on se réunit, où l’on communie ensemble, il faudra alors que chacun mette un peu du sien pour qu’on arrive à ne pas se perdre dans notre monde.
Première canadienne
Les âmes errantes
Vendredi 28 février, 17 h
Cinémathèque québécoise, salle Fernand-Seguin
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