Tous les biens de l’église Sainte-Élisabeth de Hongrie, une église de Lanaudière que veut maintenant acheter la municipalité du même nom pour la convertir en centre multifonctionnel, seront vendus aux enchères le samedi 12 septembre dès 16 h. Des autels complets, dont le maître-autel du XIXe siècle, une vingtaine d’oeuvres d’art, des vêtements, des vases liturgiques, des bannières de procession, des statues ainsi qu’un jésus de cire seront notamment offerts par la maison Jakibi, un service d’enchères en ligne.
Aux prises avec de sérieuses difficultés financières, les administrateurs de la fabrique avaient souhaité en 2018 que la municipalité de Sainte-Élisabeth acquière tant l’église que son presbytère, des biens alors évalués à plus de 1,2 M$, au coût symbolique de 1 $. Le conseil municipal avait alors refusé cette offre. Le presbytère a depuis été vendu à un promoteur privé.
La fabrique a déposé une nouvelle offre en 2019, indique la municipalité dans le Rapport de la consultation publique sur le projet d’acquisition et de conversion de l’église en centre communautaire, publié au mois d’août. «Le délai de réponse initial a été fixé à mars 2020», précise-t-on. «Ce délai a été allongé jusqu’en septembre 2020 suite à la pandémie. La valeur de l’église et de ses terrains au foncier est de 783 900 $ pour la bâtisse et de 215 400 $ pour les terrains.»
«Oui, la municipalité a acquis l’église», a expliqué la réceptionniste de la paroisse Saint-Martin-la-Bayonne, dont fait aujourd’hui partie l’église Sainte-Élisabeth, au journaliste qui voulait en savoir davantage au sujet de l’encan de samedi. Le responsable de l’encan, le diacre Paul-André Desrosiers, n’avait pas encore répondu à notre demande au moment de publier ces lignes.
Un excellent copiste
Dix-neuf oeuvres d’art vendues samedi sont attribuées au célèbre peintre Yves Tessier (1800-1847). Cinq d’entre elles sont de très grandes toiles, celle consacrée à la patronne de la paroisse atteignant même 14 pieds de hauteur. Cinq de ces dix-neuf oeuvres ont été restaurées en 1999 grâce à un octroi du Conseil du patrimoine religieux du Québec. La maison d’encan indique aussi que les quatroze peintures qui coiffent les stations du chemin de choix et qui seront aussi mises en vente samedi sont signées par Yves Tessier.
L’historien de l’art Laurier Lacroix est formel. Les cinq grandes peintures offertes à l’encan sont bien d’Yves Tessier. Mais pas les quatorze petites œuvres, dit-il en examinant les photographies des tableaux déposées sur le site Web de l’encanteur. «C’est un modèle beaucoup plus tardif, des années 1860. Tessier n’a pas pu copier cela», tranche le professeur.
«Yves Tessier n’a pas fait une très longue carrière. En fait, il a mené une carrière parallèle. Il a fait beaucoup de tableaux mais aussi beaucoup de copies.»
C’est en 1822 qu’il reçoit la commande de la paroisse Sainte-Élisabeth. «Il est au début de sa carrière», indique Laurier Lacroix qui souligne que deux des peintures en vente samedi sont «des copies des tableaux des abbés Desjardins, des œuvres venues de France en 1817 et 1820» que ces prêtres ont acquises puis ont vendues à diverses paroisses et communautés religieuses du Québec.
«Yves Tessier est un excellent copiste, peut-être le meilleur de sa génération», dit-il. Certes, il copie les tableaux de maîtres mais il prend soin de les adapter, souvent dans des formats différents. Dans une des peintures vendues samedi, L’Apparition de la Vierge et de l’Enfant Jésus à saint Antoine et à saint François d’Assise, «il modifie complètement l’arrière-plan», explique Laurier Lacroix.
«C’est un artiste trop peu connu mais fort intéressant», surtout très actif «au début d’un renouveau de la peinture religieuse au Québec».
Ses œuvres valent-elles plus que les 5000 $ qui sont avancés dans le site d’encan? «Je ne connais pas le marché de telles peintures», dit l’historien de l’art qui reconnaît toutefois «qu’il n’y a pas grand monde qui peut mettre un tableau de dix pieds dans son salon ou qui veut avoir une Flagellation près de sa cheminée». Ce qui l’embête surtout, c’est la rapidité avec laquelle on cherche à se départir de telles oeuvres qui pourraient bien être achetés samedi par des intérêts privés. Comparerait-il cela à une vente de feu? «Le feu semble vraiment pris, ça presse», dit-il. «Je me demande si le diocèse [de Joliette] n’aurait pas la possibilité d’arrêter cette vente ou d’intervenir?»
108 lots
Parmi les 108 lots offerts samedi, on trouve deux ostensoirs du XIXe siècle, plusieurs statues de plâtre, des chandelles, une crèche grand format, l’«autel original de la première église circa 1850», les bancs de l’église, les bénitiers, un confessional «très pesant» indique-t-on, et même l’orgue (d’Odilon Jacques, un ancien employé de Casavant Frères).
Selon des informations disponibles sur le site de la MRC de D’Autray, l’église actuelle a été construite en 1953. Il s’agit de la troisième à être construite à Sainte-Élisabeth. «Les oeuvres d’art et le mobilier de la première église y sont encore présents», précise la MRC. Ces éléments de la première église (1810-1814) seront offerts aux enchères.
*Mise à jour: En fin de matinée, le vendredi 11 septembre, l’agence de presse Présence a constaté que 13 lots ont été retirés de l’encan de Jakibi. Ce sont notamment les grandes peintures d’Yves Tessier, les ostensoirs et le maître-autel de la toute première église Sainte-Élisabeth.
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