«Ayant pris connaissance des fausses accusations portées contre moi par la plaignante (F.), je nie avec fermeté avoir eu des gestes inappropriés sur sa personne et je considère comme diffamatoires l’interprétation et la diffusion de ces allégations comme agressions sexuelles», a déclaré le cardinal Marc Ouellet le vendredi 19 août 2022.
Sa déclaration a été publiée vingt-quatre heures après que le pape François ait fait connaître sa décision de ne pas ouvrir une enquête canonique à l’encontre du préfet du dicastère pour les évêques.
«Si une enquête civile devait être ouverte, j’y participerai activement afin que la vérité soit établie et que mon innocence soit reconnue», a aussi déclaré vendredi l’ex-archevêque de Québec.
Aucune accusation
Contactée dimanche par l’agence de presse Présence, la plaignante F., suivant les conseils de ses avocats, n’a pas souhaité réagir aux propos du cardinal, son patron en 2008 alors qu’elle était agente de pastorale stagiaire à l’archidiocèse de Québec.
Dans la lettre qu’elle a acheminée au pape François le 26 janvier 2021, à l’invitation du Comité conseil pour les abus sexuels envers mineurs et personnes vulnérables de l’archidiocèse, jamais F. n’a-t-elle utilisé les termes «agression sexuelle» ou encore formulé une accusation formelle contre le cardinal Ouellet.
Sa lettre, qui compte 1152 mots, présente plutôt des gestes «de trop grande familiarité» que son supérieur aurait eus à son endroit lors de différents événements publics auxquels les deux ont participé.
«J’ai senti deux mains se poser sur mes épaules et se mettre à me masser les épaules avec force. J’ai levé les yeux et c’était le cardinal Ouellet qui se tenait derrière moi», a-t-elle expliqué dans sa lettre au pape François.
C’était alors la toute première fois que F. rencontrait le cardinal. «Il m’a regardé, m’a souri et m’a caressé le dos. Il est reparti. Je ne me souviens plus s’il m’a dit quoi que ce soit. J’étais figée devant cette intrusion inusitée dans mon intimité.»
«Je ne savais comment réagir. Je n’ai jamais apprécié les contacts physiques avec les inconnus, encore moins avec un inconnu qui est mon patron. J’étais troublée et ce malaise m’a suivi tout au long de la journée.»
Tout au long des mois suivants, s’empresse de préciser F. dans sa lettre, le cardinal a eu des gestes de familiarité et des propos envers elle qu’elle a jugés inappropriés. Cela a conduit F. à éviter les événements diocésains où elle risquait de croiser le cardinal.
«Heureusement, confie-t-elle au pape, il a été nommé à Rome [en 2010] et j’ai pu éviter les événements en sa présence. J’ai eu un très grand soulagement quand il est parti.»
Rencontre avec l’enquêteur
«Lors de la rencontre avec l’enquêteur nommé par le pape, le jésuite Jacques Servais, a-t-il été question d’agression sexuelle?», a insisté Présence. C’est pourtant ce que suggère la déclaration du cardinal Ouellet publiée vendredi par le Vatican.
Là encore, F. a invité le journaliste à contacter ses avocats.
Mais bien avant que cette affaire ne soit judiciarisée, F. avait indiqué que, lors de cette rencontre de 40 minutes tenue en visioconférence, le ton adopté avait été plutôt cordial, «sympathique» même, «jamais tendu». Elle avait aussi noté que l’enquêteur ne lui avait pas posé beaucoup de questions sur les faits évoqués dans sa lettre au pape.
Le jésuite Servais voulait plutôt savoir si elle était au courant d’autres gestes similaires. Il a aussi cherché à connaître quelles étaient ses intentions en rédigeant cette lettre, formulée, a-t-il toutefois reconnu, de façon «prudente et nuancée».
«Selon moi, c’est à l’enquêteur de dire si ces gestes étaient des agressions ou non. Ce n’est pas à moi de le faire. Il avait tous les faits en main. S’il avait été compétent, il m’aurait demandé si j’avais senti ces gestes comme des agressions. Ou encore si j’avais perçu ces gestes comme étant de nature sexuelle.»
Mais le père Servais «n’a rien fait de cela».
«Il m’a plutôt demandé si je voulais attaquer l’Église ou la démolir, Si je m’en étais éloignée. Si j’étais encore pratiquante et croyante», avait indiqué F. en juin 2021 «Finalement, je pense que le père Servais n’était présent à cette réunion que pour une seule raison. C’est le pape qui a insisté pour qu’il me rencontre.»
Le père Servais n’a jamais répondu aux demandes de Présence sur son rôle dans cette affaire, ni en juin 2021, ni en février 2022.
Toutefois, la veille de la déclaration du cardinal Ouellet indiquant que la plaignante a lancé de «fausses accusations» contre lui, le bureau de presse du Saint-Siège a publié en français une brève note du père Servais où il affirme que la plaignante n’a «porté aucune accusation» d’agression sexuelle à l’encontre du cardinal.
Les mots exacts du jésuite sont les suivants: «Il n’y a aucun motif fondé pour ouvrir une enquête pour agression sexuelle de la personne F. de la part du cardinal M. Ouellet. Ni dans son rapport écrit et envoyé au Saint-Père, ni dans le témoignage via Zoom que j’ai recueilli par la suite en présence d’un membre du Comité diocésain ad hoc, cette personne n’a porté une accusation qui fournirait matière à une telle enquête.»