Les six religieuses qui ont reçu en janvier un ordre d’éviction des logements qu’elles occupent dans une résidence privée pour aînés de Montréal n’ont pas l’intention de partir.
«Il n’en est pas question», lance Suzanne Loiselle, une responsable québécoise de l’Institut des Sœurs Auxiliatrices. «On a plutôt décidé de s’inscrire dans la mobilisation des résidents et de se battre pour faire respecter les droits des aînés.»
«Personne ici n’a signé la lettre» reçue le 31 janvier 2022 du tout nouveau propriétaire de la Résidence Mont-Carmel, assure-t-elle. C’est le cas des six religieuses, mais aussi «de tous nos voisins et voisines, de tous les résidents», s’empresse-t-elle de préciser.
Une soixantaine d’entre eux entendent contester leur avis d’éviction auprès du Tribunal administratif du logement (auparavant la Régie du logement). De plus, le 5 avril, les avocats du comité des résidents ont déposé à la Cour supérieure «une demande d’injonction interlocutoire et permanente» contre le nouveau propriétaire.
Les résidents, dont les deux tiers ont plus de 75 ans, demandent au tribunal «d’ordonner au nouveau propriétaire de respecter son engagement de maintenir l’exploitation de la résidence à titre de RPA».
La Résidence Mont-Carmel, une RPA que certains résidents habitent depuis vingt ans, a été acquise en décembre 2021 par une société en commandite dirigée par le promoteur Henry Zavriyev. Le nouveau propriétaire a annoncé vouloir mettre fin dès 31 juillet 2022 à la certification RPA «afin de faire de l’immeuble un complexe de logements locatifs multigénérationnels».
«On a confiance dans notre cause», dit la religieuse auxiliatrice. «Dans l’acte de vente notarié, le nouveau propriétaire s’engageait à maintenir la certification de notre RPA. C’est écrit noir sur blanc.»
«Pas question qu’il annule cette certification en quelques minutes, sans que personne ne l’en empêche», dit celle qui est une des membres du Comité des résidents.
Elle n’en revient toujours pas de la souffrance et de la détresse que la réception de l’avis d’éviction a causées. «Au terme de deux ans de pandémie, après deux ans d’isolement, on vient annoncer à 200 locataires qu’ils vont perdre tous leurs services. C’est d’une telle violence. Tu viens déraciner des gens de leur milieu de vie.»
Des appuis
Heureusement, dit la religieuse, les résidents peuvent compter sur l’appui de la députée locale, Manon Massé, et du conseiller municipal Robert Beaudry.
«Dès que Manon Massé a appris qu’on avait reçu un avis d’éviction, elle est montée aux barricades», dit-elle. La députée de Québec solidaire – qui connaît les religieuses auxiliatrices depuis leur participation commune à la Marche mondiale des femmes de 1995 – a notamment questionné la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, et la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest.
«Les deux nous répondent toujours la même chose: le nouveau propriétaire a bien respecté les six mois d’avis. Franchement, c’est insultant», rage Suzanne Loiselle.
«Notre situation n’est malheureusement pas unique, puisque des centaines de locataires aînés subissent actuellement le même sort au Québec», a expliqué, lors du dépôt de la requête à la Cour supérieure, une porte-parole du Comité des résidents, Gisèle Ampleman, elle aussi une religieuse auxiliatrice.
C’est pourquoi le groupe réclame du gouvernement du Québec que dorénavant «la certification d’une résidence comme RPA soit accompagnée d’obligations relatives au maintien de son statut, aux services offerts et aux coûts des loyers».
«Cela pourrait bien devenir un enjeu électoral» lors du scrutin du 3 octobre 2022. «On sera là pour questionner les candidats et les candidates à ce sujet», promet Suzanne Loiselle.