Deux congrégations religieuses vont s’affronter mercredi au palais de justice de Montréal. Les Sœurs grises vont demander aux pères et aux frères de la Congrégation de Sainte-Croix de les indemniser si elles devaient être condamnées à verser des sommes aux victimes qui participent à l’action collective menée contre leur communauté.
Le 22 mars 2022, une action collective a été autorisée contre la congrégation fondée par sainte Marguerite d’Youville.
La juge de la Cour supérieure Suzanne Courchesne avait alors indiqué que ce recours entendait regrouper «toute personne ou succession de personne décédée» qui aurait été «victime d’abus sexuel et/ou d’abus physique et/ou d’abus psychologique alors qu’elle était hébergée ou reçue» dans trois établissements sous la responsabilité des Sœurs grises de Montréal. Ces établissements sont la Crèche d’Youville, l’École Notre-Dame de Liesse et l’Orphelinat catholique de Montréal.
La juge Courchesne spécifie aussi que les abus pourraient aussi bien avoir été commis par des religieuses, par des préposés laïcs ou encore «par quelconque autre personne» à qui une victime aurait pu être confiée durant son séjour dans ces établissements et cela, entre 1925 et 1973.
Dans les documents judiciaires, une victime, Jacques Beaulieu, confie avoir été abusée physiquement et psychologiquement par des religieuses et des laïcs durant son séjour à l’École Notre-Dame de Liesse. L’homme ajoute «avoir également été agressé sexuellement par un prêtre», en l’occurrence l’aumônier de l’école.
Attouchements
À la lecture des documents, on apprend que les dimanches, les religieuses ont confié le jeune garçon et quelques autres aux soins d’un prêtre qui venait les chercher en voiture – une Volkswagen Beetle de couleur verte lime, précise-t-on – pour «aller à la messe». L’aumônier en profitait pour attoucher sexuellement les enfants.
Ce prêtre est identifié comme un membre de la Congrégation de Sainte-Croix. Les religieux de cette communauté «assument le service religieux complet» à l’École Notre-Dame de Liesse depuis 1918, écrit-on. Cette école a aussi été connue sous le nom d’Orphelinat Notre-Dame de Liesse, puis d’École d’industrie Notre-Dame de Liesse. Elle était située sur le chemin de la Côte-de-Liesse à Montréal. L’École Notre-Dame de Liesse, voisine de la Crèche d’Youville, a cessé opérations vers 1972. (L’ancien orphelinat des Sœurs grises est aujourd’hui occupé par l’école spécialisée Vanguard.)
Le père Conrad Larouche, le religieux de Sainte-Croix dont il est question dans cette affaire, est aumônier à cette école en 1967 et en 1968. Ce religieux est décédé le 16 septembre 2000. Il était alors âgé de 80 ans. Il a été professeur au Collège de Saint-Laurent durant 20 ans, de 1947 à 1967.
Si les abus allégués «devaient être démontrés», diront mercredi les avocats des Sœurs grises, la Congrégation de Sainte-Croix devra «répondre des fautes de [ses] préposés et donc être tenue solidairement responsable». Les responsables de cette congrégation devront «aussi répondre de leurs fautes directes pour avoir omis d’agir, que ce soit pour prévenir lesdits abus ou y mettre fin, alors qu’ils détenaient toute l’autorité et tous les pouvoirs nécessaires pour le faire», indique la requête judiciaire présentée par LDB avocats, le cabinet qui représente les Sœurs grises de Montréal.
Les autorités de la Congrégation de Sainte-Croix n’ont pas souhaité commenter la procédure judiciaire qui sera débattue mercredi. «La Congrégation de Sainte-Croix condamne vigoureusement et sans équivoque tous les actes inappropriés affectant tant les mineurs que les personnes vulnérables», a-t-on indiqué à Présence.