La religieuse Marie-Paule Lebel ne voulait surtout pas rater l’audience qui se tenait, le lundi 21 novembre 2022, au palais de justice de Montréal. Ce jour-là, le propriétaire de la résidence pour personnes aînées, où ses consœurs et elle vivent depuis plusieurs années, devait comparaître devant une juge de la Cour supérieure afin de répondre à une accusation d’outrage au tribunal.
Mais l’investisseur Henry Zavriyev, le nouveau propriétaire de la résidence privée pour aînés (RPA) Mont-Carmel, ne s’est pas présenté. C’est plutôt son avocate qui a enregistré son plaidoyer de non-culpabilité.
L’audience n’aura duré qu’une vingtaine de minutes. «Pas tellement plus», dit Marie-Paule Lebel, porte-parole des résidents aînés qui, comme elle, ont reçu un ordre d’éviction de leur logement en janvier 2022.
«On s’attendait» à cette réaction, ajoute la religieuse de la congrégation des Auxiliatrices. «Nos avocats ont maintenant jusqu’au 30 novembre pour compléter la preuve d’outrage au tribunal.»
Elle rappelle que la RPA Mont-Carmel a été acquise en décembre 2021 par une société en commandite dirigée par le promoteur Henry Zavriyev. En remettant ses avis d’éviction à quelques 200 locataires âgés, le nouveau propriétaire leur a aussi annoncé vouloir mettre fin dès 31 juillet 2022 à la certification RPA obtenue par la résidence. Son objectif est «de faire de l’immeuble un complexe de logements locatifs multigénérationnels».
Ordonnance
Le 26 juillet 2022, un juge de la Cour supérieure a toutefois ordonné au propriétaire de maintenir l’exploitation et la certification de l’immeuble à titre de résidence privée pour aînés.
Depuis, «le propriétaire se moque totalement de ses obligations», constate Marie-Paule Lebel. «Il ne respecte aucunement la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui l’oblige à s’assurer que les personnes âgées de 65 ans et plus soient les principales occupantes de la RPA». La porte-parole du comité Sauvons le Mont-Carmel explique que plusieurs résidents ont quitté après avoir reçu leur avis d’éviction. Ils ont été remplacés par des jeunes et non pas par des aînés.
Elle reproche aussi au propriétaire de compromettre la sécurité des résidents puisqu’une personne à la réception de l’immeuble n’est plus présente à toute heure du jour et de la nuit. «Les allées et venues dans l’édifice ne sont plus systématiquement contrôlées». Elle ajoute que les salles communautaires que comptait la résidence «ont été fermées les unes après les autres».
«Le propriétaire fait preuve d’un aveuglement total», dit-elle. «Il nie tout ce qu’on a observé depuis des mois.»
Six religieuses de sa congrégation habitent cette résidence du Centre-Sud de Montréal. Au moins trois autres religieux, d’autres communautés, occupent aussi un logement à la RPA Mont-Carmel.
«Il n’est pas question que l’on quitte», lance Marie-Paule Lebel. «On sent tellement la solidarité avec les gens. Et au comité des résidents, le leadership qu’on y exerce est apprécié. On ne lâchera pas. On est tellement certaines de notre cause.»