L’archevêque Christian Lépine est formel. Aucune église ne sera vendue afin de réunir les 14,8 M$ qui seront versés aux victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres de l’archidiocèse de Montréal entre les années 1940 et aujourd’hui.
«L’archevêché de Montréal versera une somme d’argent pour indemniser les personnes victimes d’abus. Afin d’être en mesure de payer cette somme, différentes avenues sont envisagées. Nous ne vendrons pas d’églises à cet effet», assure Mgr Lépine dans une lettre destinée aux pratiquants catholiques montréalais que l’archidiocèse vient de rendre publique.
L’archevêque n’indique toutefois pas comment il parviendra à réunir une telle somme.
Présence lui a donc demandé de préciser quelles «avenues étaient envisagées» et quel pourcentage des 14,8 M$ – si c’est le cas – viendrait de la Mutuelle d’assurance en Église, la compagnie d’assurances d’un grand nombre d’églises et de diocèses québécois.
«L’Église catholique à Montréal comprend l’importance de compenser les victimes pour les actes inexcusables qu’elles ont subis», a brièvement répondu l’attachée de presse de Mgr Lépine. Toutefois, l’archevêque ne commentera pas «pour le moment» le récent règlement intervenu entre les victimes d’abus et l’archidiocèse.
«Tout ce que [Mgr Lépine] souhaite dire est déjà» dans la lettre qu’il a rendue publique le 15 août, ajoute Erika Jacinto, la directrice des communications de l’archidiocèse de Montréal.
Règlement approuvé
Le 7 juillet 2023, le juge Donald Bisson de la Cour supérieure du Québec a approuvé l’entente de règlement d’une action collective que des victimes d’abus sexuels commis par des prêtres avaient déposée, en avril 2019, contre l’archidiocèse de Montréal.
Selon cette entente, qualifiée de «juste et raisonnable» par le juge Bisson, l’archidiocèse de Montréal versera une somme de 14,8 M$ (14 808 280 $ plus précisément) qui permettra d’indemniser rapidement les victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres diocésains sous la responsabilité de l’archidiocèse depuis 1940.
Dans son jugement de quelque 40 pages, le juge indique qu’en mars 2023, pas moins de 63 victimes s’étaient inscrites à l’action collective tandis que «plus de 40 ministres ordonnés diocésains et préposés laïcs sous la responsabilité de l’archidiocèse de Montréal [étaient] visés». Depuis que les avocats des victimes et de l’archidiocèse ont signé l’entente qu’il vient d’approuver, «plus de 15 nouvelles victimes ont contacté les avocats».
L’avocat Antoine Duranleau-Hendrickx a indiqué ce matin à Présence que depuis le jugement de la Cour supérieure, 30 personnes informées ont contacté le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats. C’est la juge à la retraite Danielle Grenier qui a été nommée adjudicatrice dans cette affaire. C’est elle qui examinera chacune des demandes reçues, décidera de l’admissibilité ou non des victimes et, le cas échéant, du montant de l’indemnité à recevoir. «Les parties estiment que chaque membre recevra un montant entre 96 000 $ et 160 000 $», a indiqué le juge Bisson dans son jugement.
«L’Adjudicatrice devra notamment prendre en compte la nature et le nombre d’agressions sexuelles subies, le nombre d’agresseurs, les séquelles découlant des agressions ainsi que la durée et la gravité de celles-ci», a-t-il aussi précisé.
Ouverture
«Cette action collective a permis de mettre en lumière des histoires d’horreur sans nom», a déclaré l’avocat Alain Arsenault, quelques jours après le jugement d’approbation de l’entente. «Nous saluons le courage des victimes d’avoir osé dénoncer».
L’avocat reconnaît que depuis qu’il a déposé, au nom des victimes, cette action collective, l’archevêque de Montréal a constamment fait preuve d’«ouverture».
«Nous espérons que les autres organisations religieuses s’inspireront de l’attitude de ce dernier», a ajouté Me Arsenault. Le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats mène actuellement des actions collectives pour agressions sexuelles contre dix congrégations religieuses et sept diocèses ou archidiocèses du Québec. Au moment de publier, Me Arsenault n’avait pas indiqué à Présence quels diocèses, congrégations ou leaders religieux étaient visés par sa déclaration.
Lettre d’excuses
Le jugement du 7 juillet 2023 précise que les victimes qui seront éligibles à une indemnité financière vont recevoir une lettre d’excuses signée par Mgr Christian Lépine.
Après avoir expliqué que le «chèque que vous recevez provient de l’archidiocèse de Montréal», l’archevêque reconnaîtra que «cette somme d’argent ne pourra jamais faire disparaître toute la souffrance que vous avez subie».
«Nous vous demandons de nous pardonner pour les gestes commis», écrira aussi Mgr Lépine à chacune des victimes. «Recevez nos excuses sincères.»
Dans sa déclaration publique du 15 août, Mgr Lépine dit espérer «que les victimes pourront maintenant poursuivre plus sereinement le difficile processus de guérison».
«Le plus important est d’en être arrivé à une entente à l’amiable afin de renouveler l’espérance», ajoute l’archevêque.
Il rappelle que le 2 août, à son arrivée au Portugal pour les Journées mondiales de la jeunesse, le pape François a dénoncé une nouvelle fois les abus sexuels commis par des prêtres et des religieux, des «scandales qui ont défiguré le visage [de l’Église] et qui appellent à une purification humble, constante, en partant du cri de douleur des victimes, toujours à accueillir et à écouter».
Enfin, l’archevêque remercie toutes les personnes qui ont participé à cette action collective. Elles «nous permettent ainsi de marcher sur le chemin de la justice réparatrice», écrit-il.