Les Jésuites du Canada ont amendé, durant le mois de mai, la liste de leurs confrères «accusés de manière crédible d’abus sexuels sur mineurs». Les noms d’un jésuite décédé en 1980 et celui d’un ex-jésuite, devenu depuis un prêtre séculier auprès d’un diocèse québécois, ont été ajoutés à la liste initiale rendue publique le 13 mars 2023.
Première – et toujours seule – congrégation religieuse présente au Canada à publier une telle énumération de ses membres qui ont fait l’objet d’allégations crédibles ou qui ont été condamnés pour abus sexuels, les responsables jésuites avaient promis une «mise à jour» dès que de nouvelles victimes se manifesteraient et que leurs allégations seraient examinées par des enquêteurs.
Ainsi, le jésuite Henry Smeaton (1901-1980) apparaît dorénavant dans la liste des 16 jésuites anglophones qui ont fait l’objet de plusieurs allégations. Ce jésuite a œuvré dans des institutions scolaires de l’Ontario (Collège Ignatius) et du Québec (Collège Loyola), à la maison de retraite de Beaconsfield, au Québec, et à l’Établissement de Joyceville, près de Kingston, en Ontario, une prison à sécurité minimale. La liste ne mentionne ni la durée des assignations des religieux, ni les offenses commises.
Dans la liste des jésuites anglophones, le nom du père John Lepine (1920-1990) était inscrit, en mars, dans la colonne Une seule allégation. Son nom se trouve dorénavant dans la section Plusieurs allégations.
Un ex-jésuite
Immédiatement après la publication, en mars, des noms des 27 jésuites soupçonnés ou accusés d’agressions, un ancien élève du Collège du Sacré-Cœur de Sudbury déplorait «qu’il manque un nom dans cette liste». Il ne s’expliquait pas l’absence du frère Gilles Deslauriers. «C’était de notoriété publique qu’il était un pédophile. Tout le monde au collège le savait. Les autorités devaient forcément être au courant», déclarait Laurent Desbois, aujourd’hui âgé de 75 ans.
Après sa dénonciation, la congrégation a d’abord indiqué que «le frère Gilles Deslauriers ne figurait pas dans nos fichiers au titre de délinquant, mais nous disposons des dossiers relatifs à son passage dans la Compagnie de Jésus». Les autorités ont promis «d’examiner ces dossiers».
Dans la nouvelle liste, le nom de Gilles Deslauriers est cette fois bien inscrit et se retrouve dans la section Plusieurs allégations. On y mentionne que ce religieux est né en 1938, qu’il a quitté la Compagnie de Jésus en 1967 et qu’il a œuvré au Grand Séminaire, en Haïti, ainsi qu’au collège jésuite de Sudbury. (Les Jésuites du Canada ont dirigé, de 1953 à 1964, le Grand Séminaire de Port-au-Prince, en Haïti. En février 1964, tous les jésuites canadiens ont été expulsés du pays, les autorités les accusant de «conspiration en vue de renverser le régime» du président François Duvalier.)
«Cela m’a fait un petit velours», a reconnu Laurent Desbois lorsqu’il a découvert la liste amendée dans le site Web des Jésuites du Canada. Il a indiqué qu’il allait informer d’autres ex-étudiants, ses amis du collège qu’il contacte à l’occasion, de cette décision.
Peu après avoir quitté la congrégation religieuse, le frère Deslauriers a été ordonné prêtre pour le diocèse d’Alexandria-Cornwall par l’évêque Alphonse Proulx. Depuis une date inconnue, il fait partie du diocèse de Saint-Jérôme (depuis 2022 le diocèse de Saint-Jérôme-Mont-Laurier), indique l’Annuaire de l’Église catholique au Canada, une publication annuelle.
Interrogé à ce sujet, Raymond Poisson, l’évêque de ce diocèse a d’abord indiqué que «cet homme a été jugé» et qu’il «n’est aucunement en service» dans le diocèse qu’il dirige. Plus tard, Mgr Poisson a expliqué que Gilles Deslauriers, qui habite hors des limites du diocèse de Saint-Jérôme-Mont-Laurier, est «interdit de ministère public en toutes circonstances».
La liste des désormais 29 jésuites qui «ont fait l’objet d’allégations crédibles d’abus sexuels sur mineurs» est accessible dans le site Web des Jésuites du Canada. Elle débute par cet avertissement : «Cette page traite de questions qui peuvent être troublantes et déclencher des souvenirs d’expériences traumatisantes et d’abus passés».