L’action collective contre l’archidiocèse de Sherbrooke, déposée il y a moins d’un an, peut aller de l’avant. Dans un jugement daté du 11 mai 2023, le juge Sylvain Provencher de la Cour supérieure vient d’autoriser ce recours en raison d’agressions sexuelles qu’auraient commises des membres du clergé diocésain ou encore des religieux, des laïcs et des employés sous la responsabilité de l’archidiocèse.
Le jugement accorde aussi à un homme aujourd’hui âgé de 84 ans le statut de représentant des victimes dans cette action collective. Identifiée par les initiales A.B., cette victime allègue avoir été agressée sexuellement, à l’âge de 12 ans, par le vicaire Edmond Doran de sa paroisse d’Asbestos. Le jeune garçon participait alors, avec la permission de son père, à des travaux dans la chapelle. «Les agressions sexuelles perpétrées par le vicaire se seraient répétées à chaque occasion où A.B. se rendait à la paroisse pour y effectuer des travaux et consisteraient en des attouchements aux parties génitales», indique-t-on. Bien que A.B. ait fait part au vicaire de son «profond inconfort» devant ces gestes, le vicaire Doran n’a pas cessé de l’agresser. Les faits reprochés auraient eu lieu en 1949 et 1950.
Le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats indique qu’à ce jour 15 victimes se sont inscrites à l’action collective. Elles ont identifié 12 prêtres qui sont tous nommés dans le jugement en autorisation. Ce sont, outre le vicaire Doran, les prêtres Richard Bouffard, Flavien Charbonneau, Maurice Cloutier, Joseph-Xyste Desautels, Maurice Domingue, Jacques Fillion, Damien Lessard et Roger Marquis. Trois noms de prêtres sont toutefois incomplets. On mentionne un vicaire Bouchard de la paroisse Saint-Aimé d’Asbestos, un abbé Paquin ou Péloquin de Saint-Mathias-de-Bonneterre ainsi qu’un prêtre non identifié de la paroisse de l’Immaculée-Conception-de-la-Très-Sainte-Vierge-Marie de Sherbrooke.
Un tableau anonymisé des victimes indique que toutes les agressions auraient eu lieu avant 1980, il y a donc plus de 40 ans. Selon cette liste, l’abbé Doran, décédé en 1980, aurait fait une seconde victime, cette fois à la fin des années 1970, tandis que l’abbé Maurice Cloutier, décédé en 1974, y est mentionné trois fois. Les gestes qui lui sont reprochés auraient été commis entre 1957 et 1973 à Asbestos, à Richmond (paroisse Sainte-Bibiane) ainsi qu’à son chalet.
L’archidiocèse de Sherbrooke n’a pas souhaité indiquer si les personnes nommées dans ce jugement sont des prêtres diocésains, des pères ou des frères membres de congrégations religieuses. On n’a pas voulu préciser si ces prêtres sont décédés ou si certains sont toujours vivants. De plus, l’archidiocèse n’a pas voulu commenter le jugement du 11 mai 2023. «L’archidiocèse de Sherbrooke n’émettra aucun commentaire en lien avec le recours collectif», a-t-on répondu.
Les victimes reprochent à l’archidiocèse de ne pas avoir enquêté ou sévi contre leurs agresseurs et «d’avoir plutôt choisi d’ignorer les agressions sexuelles pour faire prévaloir la culture du silence».
A.B. réclame une indemnisation de 600 000 $ ainsi que le versement d’une indemnisation aux autres victimes déjà inscrites au recours ainsi qu’à celles qui pourraient éventuellement s’y joindre. Le juge Provencher a d’ailleurs ordonné la publication dans neuf quotidiens et hebdomadaires d’un Avis aux membres, une note informant le public et de possibles victimes de la tenue de cette action collective.
Les faits mentionnés dans cette affaire n’ont pas été prouvés devant un tribunal. Ils devront l’être lors d’un éventuel procès. Les avocats des victimes précisent toutefois que les «parties ont décidé de négocier pour trouver règlement à l’amiable». L’archidiocèse de Sherbrooke n’a pas souhaité non plus confirmer cette intention.
Il s’agit d’un second recours collectif auquel fait face l’archidiocèse de Sherbrooke. En septembre 2021, une action collective a été autorisée contre la Famille Marie-Jeunesse, son fondateur, l’abbé Réal Lavoie, ainsi que l’archidiocèse.