Une action collective contre les frères maristes a été autorisée le 24 janvier 2023 par le juge Sylvain Lussier de la Cour supérieure.
Dans la demande d’autorisation, deux hommes et une femme ont témoigné avoir été agressés sexuellement par des religieux alors qu’ils étaient d’âge mineur. Deux des victimes avaient moins de 10 ans lors de leur première agression.
Au nom de toutes les victimes des frères maristes, une somme globale de 20 M$ sera réclamée à la province canadienne de l’institut religieux, à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires, si cette action collective est accueillie.
Un individu, identifié par l’initiale B., indique avoir été agressé sexuellement à de nombreuses reprises par le frère Athanase Fortin, un religieux qui fut conseiller d’orientation auprès de diverses écoles dirigées par les frères maristes, une congrégation vouée à l’éducation des jeunes.
C’est en 1960, alors qu’il est âgé de 8 ans, que B. rencontre pour la première fois le frère Fortin qui a été invité par ses parents, des «catholiques très croyants et pratiquants», à visiter leur demeure.
«Le frère Fortin était un homme très charismatique qui voulait se rapprocher de B. et de son frère ainé au prétexte de vouloir enligner les enfants adéquatement dans leurs études, ce qui plaisait au père de B., puisque ce dernier travaillait dans le domaine de l’éducation», indique la requête.
Tours d’automobile
Invité régulièrement par cette famille, le religieux accorde «beaucoup d’attention à B. et à son frère» et leur propose de «faire des tours d’automobile dans des petites routes rurales au prétexte de vouloir leur apprendre à conduire». C’est lorsqu’ils prennent la roue que les jeunes subissent des attouchements «pendant plusieurs minutes». Pire, écrit-on, «les agressions sexuelles ont lieu à l’occasion de chaque tour d’automobile, soit plusieurs fois par mois».
Le religieux et conseiller d’orientation souhaite un jour que B. «passe des tests d’aptitude». Ces tests se déroulent durant une fin de semaine à l’école de Baie-Saint-Paul. Le frère mariste, qui habite dans cette école, agressera le jeune homme dans sa chambre «à plusieurs reprises», indique-t-on.
La requête mentionne que le directeur de cette école, lui aussi un frère mariste, a un jour interpellé son confrère afin de connaître «ce qu’il fait avec le petit dans sa chambre».
B., qui est présent lors de cette confrontation, se souvient que le ton a monté et que le frère Fortin a crié à son supérieur: «Toi, tu t’envoies (sic) ta secrétaire, viens pas me faire chier (sic) avec mes affaires.»
Le directeur n’aurait posé aucun geste après cette altercation tandis que «le frère Fortin continue[ra] à agresser sexuellement B. et d’autres enfants impunément».
Les allégations mentionnées ici n’ont pas été prouvées en cour.
Le jugement rendu le 24 janvier note qu’«à ce jour, B. ne s’est jamais confié à sa famille et à sa conjointe, outre que récemment à son frère, sur les agressions sexuelles qu’il a subies dans son enfance, puisque cela est encore trop difficile pour lui, qu’il a encore honte et qu’il craint d’être jugé».
Le frère Athanase Fortin, de son côté, a été nommé en 1971 supérieur local en Gaspésie, indique-t-on. Il est décédé à Matane le 4 mai 1974, à l’âge de 58 ans. La requête précise que c’était lors d’«un accident d’automobile» et que le religieux «était avec un garçon».
Les frères maristes sont présents au Québec depuis 1885. La Province du Canada compte actuellement 54 frères. Au moment de publier ces lignes, ni le provincial Gaston Robert, ni l’avocat de la congrégation, Me Gilles Provençal, n’avaient commenté le jugement autorisant l’action collective.
Dans cette affaire, le cabinet d’avocats Kugler Kandestin représente les victimes, tandis que le cabinet Bouchard+Avocats représente les frères maristes.