La juge Sandra Bouchard de la Cour supérieure du Québec a approuvé l’entente de règlement intervenue entre les avocats des victimes de l’abbé Paul-André Harvey et les avocats du diocèse de Chicoutimi ainsi que des neuf paroisses ou fabriques où ce prêtre a exercé son sacerdoce.
Condamné en 2015 à purger une peine de six ans pour attentats à la pudeur et agressions sexuelles commis sur 39 jeunes filles, l’abbé Harvey est décédé le 3 mai 2018. Au moment de l’approbation de l’entente de règlement, près de 150 victimes d’abus sexuels, mineures à l’époque, s’étaient inscrites à ce recours collectif initié en 2015.
L’entente prévoit le versement d’une somme de 13,75 M$ aux victimes ainsi qu’à leurs avocats (environ 3,4 M$), la remise à chacune des victimes d’une lettre d’excuses de l’évêque de Chicoutimi ainsi que la mise en place d’un programme de mesures réparatrices au sein du diocèse «visant à prévenir des abus dans l’avenir».
Qui paye?
C’est l’Assurance mutuelle des fabriques de Québec qui versera la somme de 13,75 M$, révèlent l’entente de règlement ainsi que le jugement d’approbation.
Les dirigeants de la compagnie d’assurances ont toutefois catégoriquement refusé de commenter cette information, alléguant que «les renseignements à ce sujet [sont] confidentiels».
Ils ont aussi refusé d’indiquer s’ils craignent d’être contraints de payer la totalité ou une partie des dédommagements offerts à d’autres victimes si les recours collectifs contre l’archidiocèse de Québec ou contre le diocèse d’Amos étaient autorisés puis accueillis. De plus, ils n’ont pas souhaité commenter l’impact de futurs recours collectifs ou poursuites pour abus sur la viabilité financière de cette mutuelle qui assure plusieurs paroisses, cimetières et diocèses.
La juge Bouchard a estimé, dans son jugement du 3 mai 2022, que si 150 réclamations étaient jugées recevables, chaque victime recevra une indemnité entre 23 000 $ et 30 000 $ «pour les cas où la sévérité du préjudice est la plus faible» et entre 160 000 $ et 200 000 $ «pour les cas les plus sévères». Les réclamations seront évaluées par la juge à la retraite Danielle Grenier.
Lettre d’excuses
«Comme évêque, je tiens à vous exprimer mes excuses les plus sincères pour tout ce que cette situation dramatique vous a fait vivre», écrira l’évêque René Guay à chacune des victimes. «Alors que, comme tous les enfants de la terre, vous aviez droit à une enfance heureuse et remplie de promesses, elle vous a été volée par quelqu’un qui était un des nôtres dans le diocèse de Chicoutimi.»
Au nom de l’Église diocésaine, il leur «demande pardon pour ne pas avoir su prévenir ce drame à l’époque».
Les abus sexuels auraient été commis entre 1962 et 2002. Les évêques Marius Paré et Jean-Guy Couture dirigeaient alors le diocèse. Mgr Guay n’est évêque de Chicoutimi que depuis 2018.
Mgr Guay déplore aussi dans sa lettre que «le processus pour en arriver à une entente de principe entre les parties ait été aussi long».
Mesures réparatrices
L’entente de règlement approuvée par la juge Bouchard annonce la mise en place de mesures réparatrices par le diocèse de Chicoutimi. Aucun recours collectif intenté contre des institutions religieuses au cours des sept dernières années n’a présenté un aussi grand nombre de mesures.
On prévoit la prestation de formations sur l’abus sexuel sur mineurs pour tous les agents de pastorale. Des survivants y seront associés. On dotera aussi le diocèse d’«un mécanisme annuel d’audit organisationnel externe» afin «de détecter et de prévenir les abus sexuels» ainsi que d’un dispositif d’accueil et d’écoute confidentielle des victimes et des survivants.
Au terme de son jugement, la juge Sandra Bouchard a indiqué «toute son admiration» aux victimes de l’abbé Harvey. Elle a souligné «leur courage, leur détermination, leur persévérance et leur patience, en souhaitant vivement que ce dénouement puisse leur permettre d’être libérées de souffrances».