Parce que leur nouveau propriétaire a sciemment «ruiné leur milieu de vie», plus de cinquante locataires de la Résidence privée pour aînés Mont-Carmel viennent de demander à la Cour supérieure du Québec qu’une diminution de loyer de 35 % leur soit accordée et qu’une somme de 35 000 $ en dommages-intérêts soit versée à chacun d’entre eux.
Ils exigent aussi que l’entreprise qui gère dorénavant leur résidence du boulevard René-Lévesque Est, à Montréal, rétablisse et maintienne «l’accès libre et sans condition aux services et espaces communs» de cet immeuble qui est pour chacun des locataires «bien plus qu’un simple toit».
Pour ces personnes âgées, la Résidence Mont-Carmel «est une communauté qu’ils bâtissent depuis des années» et qu’ils n’ont pas l’intention de voir disparaître.
C’est même «un dernier véritable chez-soi avant la perte d’autonomie ou la mort», ont-ils indiqué dans la demande introductive d’instance qu’ils ont déposée au palais de justice de Montréal le 4 janvier 2023.
Accès aux espaces communs
En novembre 2022, la religieuse auxiliatrice Marie-Paule Lebel, qui habite à la Résidence Mont-Carmel, révélait que les salles communautaires de l’immeuble avaient toutes «été fermées les unes après les autres». Dans leur requête déposée en janvier, les résidents ont annexé un grand nombre de photographies qui témoignent de ces fermetures.
Des cadenas et des chaînes ont été apposés sur les portes d’espaces communs. Le local de l’Association des résidents du Mont-Carmel «a été vidé de meubles et de matériel, sans avertissement, puis [a été] interdit d’accès». Les cadres, les fauteuils et même le tapis dans la salle communautaire du deuxième étage, le Salon de l’amitié, ont été retirés. À la Résidence Mont-Carmel, il n’y a plus de salle commune de télévision ni de table de billard. Le salon Internet est fermé, les ordinateurs ne sont plus accessibles. La liste des interdictions d’accès et des fermetures ne cesse de s’allonger.
À la page 17 de leur requête judiciaire, les résidents expliquent que même «la chapelle qui se trouvait dans le Salon de l’amitié n’est plus accessible aux résidents qui ne peuvent donc plus y tenir la messe bihebdomadaire».
Le culte, c’est un droit
Constance Vaudrin, une résidente de 84 ans, examine la photo qui illustre cet article. «C’est bien notre chapelle, au fond», confirme-t-elle. «Mais c’était avant septembre. Sans avertissement, tout a été mis dans le sous-sol, sauf le tabernacle», précise-t-elle. Le matériel liturgique y prenait la poussière puis, «aujourd’hui, il a disparu», déplore cette administratrice de l’Association des résidents du Mont-Carmel. Le tapis qu’on voit sur la photo, il a carrément été arraché.
«Il fallait voir la détresse sur les visages des gens lorsqu’ils découvraient que la petite chapelle n’était plus accessible», dit-elle.
«Ce n’est pas vrai qu’on va nous empêcher d’avoir la messe», a-t-elle alors réagi. «Après tout, le culte, c’est un droit», dit cette traductrice de profession qui a travaillé à Développement et Paix ainsi qu’au Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latine.
Elle raconte que depuis sa fermeture, chaque samedi, une quinzaine de résidents transportent, certains péniblement, leurs chaises ou encore un cierge pascal, et se rassemblent malgré tout dans un petit local. Un prêtre de l’extérieur vient y célébrer la messe.
«Je regardais les gens arriver et je leur ai dit: vous me faites penser aux premiers chrétiens, aux chrétiens des catacombes», lance cette ex-religieuse.
«Le mépris, ici, est quotidien», lâche-t-elle. «Ils veulent nous avoir à l’usure. Ils veulent que l’on quitte notre loyer.»
«Mais ils ne réussiront pas», dit-elle, déterminée.
«Avec cette poursuite en dommages-intérêts, on veut que la Cour prenne acte de la dégradation constante et désastreuse de notre milieu de vie et de ses conséquences sur notre bien-être, notre sécurité et notre qualité de vie», déclare Constance Vaudrin.
«Non seulement le propriétaire ne respecte pas ses obligations à notre égard en tant que locataires d’une RPA, il ne respecte pas non plus ses obligations découlant de notre bail», ajoute-t-elle.
Articles à relire sur la Résidence Mont-Carmel
«Il n’est pas question que l’on quitte», lance une religieuse, 28 novembre 2022.
Des religieuses contestent leur éviction devant les tribunaux, 13 avril 2022.