«Malgré les efforts réitérés des Oblats de Marie-Immaculée, depuis Lyon et depuis Rome, pour le convaincre, Joannès Rivoire n’a pas accepté de se rendre au Canada pour se mettre à disposition de la justice», a concédé samedi le supérieur des Oblats français, le père Vincent Gruber.
Dans une déclaration qu’il a remise à la presse, deux jours après le départ de la délégation venue du Nunavut réclamer l’extradition de cet ancien missionnaire au Canada, le père Gruber dit «regretter amèrement» l’entêtement de son confrère. «Nos pensées vont aux victimes présumées qui sont venues chercher ici la vérité, la justice, la guérison et la réconciliation», a-t-il ajouté.
Il indique que les Oblats feront «tout ce qui est en [leur] pouvoir» afin de convaincre Joannès Rivoire de se rendre aux autorités judiciaires canadiennes. Le gouvernement canadien a déposé en juillet, au moment de la visite du pape François, une demande officielle à la France afin que le père Rivoire soit extradé au Canada. Le gouvernement français a indiqué la semaine dernière qu’il n’extraderait pas le père oblat, un citoyen français, revenu au pays en 1993 après plus de 30 ans de présence au Nunavut.
À la fin de sa courte déclaration, le supérieur oblat, qui a indiqué avoir été ébranlé par les témoignages entendus lors sa rencontre avec les membres de la délégation inuite, dit espérer «poursuivre le dialogue avec les victimes présumées et leurs représentants».
Au Canada
Les supérieurs des deux provinces oblates du Canada n’ont pas commenté à ce jour le refus de la France d’extrader Joannès Rivoire. Pas plus qu’ils n’ont réagi aux propos de leur confrère français, le supérieur provincial Vincent Gruber.
En juillet 2022, les dirigeants des provinces oblates Lacombe et Notre-Dame-du-Cap ont déclaré n’avoir pas «cessé de demander que Joannès Rivoire soit confronté à ses accusateurs».
«Nous continuons à plaider auprès de nos pairs et de nos supérieurs dans l’Église pour que les dirigeants en France et au Vatican comprennent l’impact que Rivoire continue d’avoir sur les peuples inuits du Canada. Bien que nous ne puissions pas réparer les préjudices qui persistent à la suite d’abus sexuels, nous espérons que ces efforts pourront aider les peuples inuits à trouver la guérison qu’ils recherchent depuis longtemps», avaient-ils indiqué.
De son côté, l’évêque de Churchill-Baie d’Hudson, Mgr Anthony Wieslaw Krótki, n’a toujours pas réagi, ni à l’envoi de la délégation en France, ni au refus du père Rivoire de se rendre au Canada. Ce missionnaire oblat a pourtant été responsable de paroisses de ce diocèse durant plus de 30 ans, indique le site Web diocésain.
Mgr Krótki, un oblat lui aussi, était présent au Vatican, en février 2022, lorsqu’une délégation inuite a informé le pape François des allégations d’agressions sexuelles formulées à l’encontre de Joannès Rivoire. En juillet, à Iqaluit, au Nunavut, l’évêque de Churchill-Baie d’Hudson a accueilli le pape à la dernière étape de son «pèlerinage pénitentiel». Dans un entretien accordé à Radio Vatican-Vatican News, Mgr Krótki a dénoncé «les abus inacceptables perpétrés à l’encontre des autochtones dans le passé» tout en rappelant que son diocèse «a une fière tradition d’hommes et de femmes qui ont consacré leur vie à apporter la Bonne Nouvelle aux Inuits, principalement les Oblats de Marie-Immaculée et les Sœurs grises de Montréal».
Mgr Anthony Wieslaw Krótki n’a pas répondu – ni même accusé réception – aux demandes de commentaires acheminées la semaine dernière.
Enfin, Présence a aussi demandé aux supérieurs oblats et à l’évêque de Churchill-Baie d’Hudson s’ils étaient d’accord avec la proposition de créer une commission d’enquête – une «commission mémorielle», selon les mots du père Gruber – formée d’historiens du Canada et de France, afin de «faire la vérité» sur ce que savaient les dirigeants oblats de l’époque, ainsi que l’évêque diocésain d’alors, lorsque le père Rivoire a subrepticement quitté le Canada. L’agence de presse n’a reçu aucune réponse.