La récente lettre du pape émérite Benoît XVI au sujet du rapport de Munich sur les abus sexuels a suscité un large éventail de réactions. En Allemagne, la réponse a été largement critique, et la plupart des survivants d’abus ont exprimé leur déception.
L’agence de presse catholique allemande KNA a rapporté que Richard Kick, porte-parole du conseil consultatif des victimes de Munich, a décrit la lettre comme étant «vraiment indescriptible» et manquant d’empathie. Il a déclaré que l’ancien pape ne connaissait que son propre point de vue et s’était réfugié dans la croyance au verdict de Dieu en tant que «juge final».
La théologienne Doris Reisinger, survivante d’abus, a déclaré que la lettre équivalait à une «moquerie pure et simple des victimes». Elle a surtout critiqué les termes choisis par le pape Benoît pour désigner Jésus, à savoir «ami», «frère» et «avocat». Aux oreilles des victimes, dit-elle, cela donne l’impression que Jésus «n’est pas de leur côté, mais du côté de ceux qui les ont tourmentées, ignorées et blessées pendant toutes ces décennies».
L’association de victimes « Eckiger Tisch » [trad.: table non-ronde] a déclaré qu’elle voyait dans cette lettre une preuve supplémentaire de la «relativisation permanente de l’Église en matière d’abus». Au lieu d’assumer leur propre responsabilité, les dirigeants de l’Église en font porter la responsabilité aux victimes «si elles ne sont pas en mesure d’apprécier comme il se doit ce genre d’expression d’inquiétude».
Le père jésuite Hans Zollner, membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs depuis sa création, a déclaré que la déclaration du pape Benoît était personnelle mais trop générale. Au lieu de faire des références théologiques très particulières, il aurait dû parler plus spécifiquement de son temps en tant qu’archevêque de Munich et de Freising, a déclaré le père Zollner à KNA.
Il a également déclaré que le pape retraité avait écrit la lettre dans le mauvais ordre. Si le pape Benoît XVI avait commencé par demander pardon aux victimes avant de remercier ses amis, sa lettre aurait certainement été mieux reçue, a-t-il déclaré.
La lettre de Benoît XVI
Dans une réponse personnelle au rapport publié en janvier par un cabinet d’avocats sur des décennies d’abus dans l’archidiocèse de Munich et Freising, le pape Benoît a reconnu que les dirigeants de l’Église partageaient la responsabilité des abus sexuels.
Dans cette lettre de deux pages et demie, il a exprimé sa «profonde honte, [s]on profond chagrin et [s]a demande sincère de pardon» à toutes les victimes d’abus sexuels.
Il a du même coup rejeté l’accusation selon laquelle il aurait activement couvert des cas d’abus lorsqu’il était archevêque de Munich de 1977 à 1982. Il a également déclaré qu’il n’avait ni trompé ni menti lors de son témoignage initial sur le rapport d’abus.
Sa déclaration initiale erronée, corrigée par la suite, selon laquelle il n’avait pas participé à une réunion importante le 15 janvier 1980, avait été un «oubli» qui «j’espère peut être excusé», a déclaré le pape Benoît dans sa lettre. «Pour moi, il s’est avéré profondément blessant que cet oubli ait été utilisé pour mettre en doute ma véracité, et même pour me qualifier de menteur.»
Réactions mitigées
Le président de la conférence épiscopale, l’évêque de Limbourg, Georg Bätzing, a salué la déclaration dans un tweet mais n’a pas abordé son contenu. Il a déclaré que le pape Benoît XVI avait promis de répondre au rapport et qu’il avait maintenant rempli cette promesse. «J’en suis reconnaissant, et il mérite le respect pour cela.»
Mgr Franz-Josef Overbeck d’Essen a exprimé son scepticisme, rapporte KNA. Il a dit craindre que les mots ne soient «d’une faible aide pour les victimes dans leur processus d’acceptation» des abus. Il a ajouté qu’il était inquiet de voir que les victimes de violences sexuelles avaient réagi «avec déception et dans certains cas avec indignation». Leur point de vue devrait «avoir beaucoup de poids» dans la réévaluation des abus, a-t-il déclaré.
La présidente du Comité central des catholiques allemands a qualifié les excuses d’insuffisantes. Irme Stetter-Karp a déclaré que les remarques du pape retraité restaient «relativement générales» et que «l’empathie envers les victimes faisait défaut».
Les réactions à la lettre dans les médias allemands ont également été majoritairement critiques. Un certain nombre de commentateurs ont déclaré que le pape émérite se cachait derrière l’Église et ses conseillers juridiques. Il a également été accusé de se présenter comme une victime des médias avant de s’adresser aux victimes d’abus. Sa demande d’excuses était «en demi-teinte» car il est resté très vague sur sa responsabilité personnelle, ont déclaré les commentateurs. Ils ont noté qu’il avait choisi des formulations passives, par exemple lorsqu’il a écrit que «nous sommes nous-mêmes entraînés dans cette faute grave» ou que des offenses et des erreurs avaient «eu lieu».
Distinguer erreur et mensonge
À Rome, l’archevêque allemand Georg Gänswein, secrétaire particulier du pape Benoît, a défendu l’ancien pape.
«Ceux qui le connaissent savent que l’accusation de mensonge est absurde. Il faut faire la différence entre une erreur et un mensonge», a déclaré Mgr Gänswein. Il a également souligné les déclarations et actions passées du pape retraité sur la question de la pédophilie. Le pape Benoît XVI avait été le premier pape à s’efforcer de faire preuve de transparence dans ce domaine, a déclaré l’archevêque.