La décision du gouvernement du Québec de suspendre temporairement les programmes d’aide financière pour la restauration et la requalification du patrimoine religieux inquiète de nombreuses institutions qui n’hésitent pas à interpeller directement le premier ministre François Legault ou le ministre de la Culture et des Communications Mathieu Lacombe.
Le mercredi 8 octobre 2025, les membres du conseil de la Municipalité régionale de comté de D’Autray ont demandé, par résolution unanime, au ministre Mathieu Lacombe de rétablir «dans les meilleurs délais les programmes d’aide financière en restauration et en requalification gérés par le CPRQ».
Les maires qui forment le conseil de cette MRC croient que la «suspension complète de ces programmes pour une période indéfinie» ne fera qu’aggraver la fragile situation du patrimoine religieux. Présentée par le gouvernement comme une mesure temporaire, cette suspension va néanmoins «laisser en plan des dizaines de chantiers» et «fragiliser l’accompagnement d’une centaine de municipalités et d’organismes locaux mobilisés pour donner une nouvelle vie à leur église» locale, ajoutent ces élus.
Un mois plus tôt, ce sont les maires et la préfète de la MRC de Drummond qui ont demandé au premier ministre François Legault de rétablir «dans les plus brefs délais» ces aides financières. Tous disent craindre qu’une telle suspension ait un impact négatif «sur l’état des bâtiments patrimoniaux à caractère religieux» et sur «la mobilisation des communautés locales pour leur sauvegarde».
«Nous sommes très inquiets pour l’avenir du patrimoine religieux devant ce désengagement du ministère envers les communautés qui se mobilisent, souvent bénévolement, pour sauvegarder ces lieux identitaires du Québec», a déclaré pour sa part le Conseil régional du patrimoine de la MRC de Papineau peu après que la suspension des subventions ait été rendue publique.
«Une pause ou l’arrêt du financement a un impact important sur l’état des bâtiments patrimoniaux à caractère religieux, ainsi que sur la mobilisation des communautés locales», a ajouté cet organisme municipal. Il rappelle aussi au premier ministre Legault et au ministre Lacombe que «suspendre des chantiers patrimoniaux, même temporairement, c’est prendre le risque d’ajouter des difficultés supplémentaires liées à l’augmentation des coûts, à la disponibilité des professionnels et à la mobilisation des collectivités, découragées par le désengagement de l’État pour leurs projets».
Plusieurs municipalités ont aussi indiqué au ministre Lacombe combien sa décision de suspendre l’aide financière au patrimoine religieux mettait en péril les projets de restauration envisagés à l’intérieur de leurs frontières respectives. C’est le cas notamment des villes de Warwick et de Trois-Rivières ainsi que des municipalités de Tingwick, de Saint-Alphonse-Rodriguez, de Wotton, de Deschambault-Grondines et de Saint-Jean-Port-Joli.
Lettre œcuménique
Dans une lettre qu’ils viennent tout juste d’acheminer au premier ministre, les membres du Conseil interconfessionnel chrétien de la région de Québec se disent «très inquiets pour l’avenir du patrimoine religieux devant ce désengagement du ministère [de la Culture et des Communications] envers les communautés qui se mobilisent, souvent bénévolement, pour sauvegarder ces lieux identitaires du Québec».
Cette lettre est signée par les responsables de la cathédrale anglicane Holy Trinity, de l’église St. Andrew’s (tradition presbytérienne) et de l’église Chalmers-Wesley (Église Unie du Canada). L’évêque auxiliaire (catholique) de Québec, Mgr Juan Carlon Londono a aussi apposé sa signature au bas de cette lettre.
À Montréal, le recteur Bertrand Olivier, de la cathédrale anglicane Christ Church, a indiqué à Présence qu’il allait, quelques minutes plus tard, inviter le nouvel évêque de Montréal, Mgr Victor-David Mbuyi Bipungu, à rédiger une lettre officielle réclamant le retour des subventions pour la restauration du patrimoine religieux. «Ce patrimoine fait partie de notre histoire et de notre identité et nous rappelle qu’il y a plus grand que nous», dit-il. «Appuyer ce patrimoine, c’est aussi contribuer au rayonnement touristique du Québec.»
Du côté des catholiques
La semaine dernière, un bulletin diocésain a révélé que l’évêque Raymond Poisson, président du comité sur le patrimoine de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), a demandé aux paroissiens de «demeurer moins silencieux face à l’interruption des programmes d’aide à la restauration et à la requalification du patrimoine religieux» d’autant plus que «les prochaines élections risquent fort de laisser planer un doute quant à leur renouvellement ou non».
L’évêque de Joliette Louis Corriveau s’est dit en accord avec la proposition de son confrère et souhaite à son tour que les fabriques de son diocèse écrivent à leur député ainsi qu’au premier ministre afin que le financement soit rétabli.
Plusieurs fabriques ont réagi dès qu’elles ont appris la suspension temporaire de l’aide financière. Ainsi, le curé Pierre Houle, au nom de la fabrique de la paroisse Saint-François-Xavier (Saint-François-du-Lac), a vivement déploré le fait que, «malgré la mobilisation du milieu, le gouvernement ne soutient plus la conservation de son patrimoine, notre patrimoine». Sa lettre a été envoyée au député et ministre Donald Martel (Nicolet-Bécarcour) et au ministre Mathieu Lacombe.
Rencontré lundi à Montréal lors du 3e Forum Foi et espace public, le président de l’AECQ, Mgr Martin Laliberté, le président de l’AECQ, a expliqué que les évêques catholiques n’avaient pas convenu d’une stratégie commune d’envoi de lettres aux décideurs gouvernementaux. Il s’agit de décisions individuelles.
Mardi, le secrétariat de l’AECQ a précisé que ses représentants participent actuellement à des discussions avec le gouvernement concernant les subventions pour la restauration des édifices religieux.
L’AECQ, tout comme d’autres institutions municipales et religieuses, a été invitée à collaborer aux travaux du Comité national sur le patrimoine religieux immobilier mis sur pied cet été par le ministre Mathieu Lacombe. Ce comité doit étudier «les rôles et responsabilités des intervenants, les moyens d’appuyer une saine gestion des actifs immobiliers, les moyens de s’assurer de la viabilité des projets de conservation et de transformation ainsi que les approches de financement». Il doit remettre ses recommandations au ministre de la Culture et des Communications à l’automne 2026. Rappelons que les élections provinciales auront lieu le 5 octobre 2026.
Les discussions avec le gouvernement «se déroulent de manière constructive et permettent d’approfondir la réflexion», a indiqué Eliane Thibault, directrice des communications à l’AECQ.
«Bien sûr, nous déplorons la fin des programmes de subvention en place depuis plusieurs années. Les récentes coupures provoqueront des retards pour la restauration de plusieurs édifices religieux au Québec et les impacts seront bien réels.» C’est pourquoi, ajoute-t-elle, «nous jugeons important de faire entendre notre voix et de répondre présent aux offres de discussion».
À ce jour, le Comité national sur le patrimoine religieux immobilier a invité les institutions collaboratrices à une première rencontre de réflexion sur le mandat que lui a donné le ministre Lacombe cet été. Une seconde rencontre doit se tenir en novembre.
Voir aussi
Présence, Patrimoine religieux: le gouvernement suspend les programmes de subventions, 20 juin 2025.








































