Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges sera brièvement accessible aux familles des défunts dimanche prochain, lors de la fête des Mères, vient de décider la direction du plus grand cimetière au Canada. La clôture de l’entrée principale du cimetière ne sera toutefois ouverte que durant six heures (de 9 h à 15 h) et plusieurs zones seront interdites d’accès, tant aux véhicules qu’aux piétons afin «d’assurer leur sécurité», prévient-on dans un communiqué diffusé mercredi en fin d’après-midi.
Plus tôt dans la journée, le porte-parole de la Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal, qui assure la gestion de la basilique Notre-Dame ainsi que du cimetière, expliquait que la décision d’ouvrir ou non les portes le dimanche 14 mai n’était pas encore prise car «il faut évaluer sérieusement avec des experts les dangers et les risques d’une ouverture pour les visiteurs, particulièrement s’ils sont nombreux».
Les administrateurs venaient alors de diffuser un court message radiophonique «pour informer les familles des défunts que le cimetière était fermé à cause des dangers que représentent les nombreux arbres tombés et les branches brisées et pendues aux cimes, partout sur le site», indiquait Daniel Granger.
Verglas
Au début du mois d’avril, la tempête de verglas qui a frappé une bonne partie du Québec a causé d’importants dommages aux arbres du cimetière. «Des milliers d’arbres ont été brisés par le verglas et le vent, et tous les chemins du cimetière sont encombrés de branches qui présentent un danger important pour les visiteurs», avait alors expliqué la direction. Elle prévenait aussi les familles des défunts que le cimetière demeurerait fermé tant que le nettoyage des lieux n’aurait pas été complété.
Un mois plus tard, «malgré tous les efforts déployés par les cadres depuis le lendemain du verglas afin de nettoyer et de sécuriser le site», le lieu était toujours inaccessible. Après la brève ouverture de dimanche, à l’occasion de la fête des Mères, «les travaux de nettoyage et de sécurisation du site reprendront et le site sera de nouveau fermé aux visiteurs au cours des semaines qui suivront», a indiqué hier le porte-parole Daniel Granger.
Ce dernier a aussi révélé qu’«au moins 75% de tous les arbres du cimetière ont subi des dommages».
«Les arbres les plus endommagés sont les érables argentés de 40 cm et plus de tronc, dont 90 % ont subi des dommages importants, notamment au niveau de la cime. On retrouve un grand nombre d’arbres ayant au moins une branche de plus de 7,5 cm de diamètre, cassée et suspendue dans la cime. Ces branches présentent des risques importants pour la sécurité des personnes qui circulent à proximité des arbres affectés. De plus, une centaine d’arbres matures devront être abattus pour des raisons de sécurité.»
Journée la plus achalandée
«Je sais combien la fête des Mères est importante pour les gens», explique Patrick Chartrand, le président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du cimetière Notre-Dame-des-Neiges (CSN). «Je travaille toujours cette journée-là. C’est moi qui aide et conduis les familles qui viennent se recueillir sur le lot de leur maman.»
Aucun doute pour lui, «c’est la journée la plus achalandée de l’année», dit-il, peu avant l’annonce officielle de l’ouverture des portes dimanche prochain.
Mais cette année, celui qui y travaille depuis 30 ans n’agira pas comme guide lors de la fête des Mères. Depuis le 12 janvier, le syndicat qu’il dirige a déclenché la grève. Ses 100 membres ont rejoint les lignes de piquetage dressées par les 17 membres du Syndicat des employées et employés de bureau du cimetière, en grève depuis le 20 septembre 2022.
«Mon cœur me dit que c’est bien d’ouvrir le cimetière dimanche. Mais j’espère que personne ne se blessera», lance du même souffle Patrick Chartrand, convaincu que le verglas d’avril a dévasté son lieu de travail.
Dans son communiqué, la direction du cimetière Notre-Dame-des-Neiges conseille aux éventuels visiteurs de la fête des Mères de consulter dès samedi le site Web du cimetière. Ils y trouveront des consignes de sécurité ainsi qu’un «avis de non-responsabilité pour les dommages physiques ou matériels associés à la visite» de dimanche.
Prix de consolation
Ouvrir le jour de la fête des Mères, «c’est un prix de consolation», s’indigne Paul Caghassi, le porte-parole de l’Association pour la défense des droits des défunts et des familles du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. «La fête des Mères, c’est un détail alors qu’on a 300 corps qui ne sont pas enterrés selon les rites catholiques.»
Pour lui, «les syndicats et la fabrique devraient ouvrir le cimetière et reprendre le travail tout en négociant». Il déplore aussi la passivité des autorités politiques et religieuses québécoises devant cette absence de respect envers les corps des personnes décédées – «on les a mis dans des frigos» – et envers les personnes endeuillées.
Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges est «le seul lieu de sépulture sur la planète où la cessation des activités d’inhumation et de crémation a été utilisée à répétition comme arme de négociation dans des conflits de travail», dit-il.
Intervention politique
L’association de Paul Caghassi demande au premier ministre François Legault d’intervenir et «d’ordonner aux parties de reprendre les activités d’inhumations durant le reste des négociations». De plus, les autorités gouvernementales devraient réfléchir à «une solution à long terme visant à interdire à l’avenir l’interruption des services d’inhumations et de crémation comme moyen de pression dans le cadre de conflits de travail au Québec».
M. Caghassi verrait d’un bon œil que les employés d’entretien du cimetière soient intégrés à la Ville de Montréal et que l’administration du lieu ne soit plus l’affaire d’une fabrique paroissiale ou de l’Église catholique. «Ce cimetière devrait faire partie du patrimoine de Montréal, pas de celui de l’archevêché», tranche-t-il.
Il y a une semaine, le ministre du Travail Jean Boulet est intervenu dans le conflit qui oppose le cimetière aux deux syndicats de son personnel. «J’ai nommé deux médiateurs-conciliateurs pour accompagner les parties», a-t-il annoncé. «Je réitère la nécessité de poursuivre les pourparlers pour régler rapidement afin que les familles endeuillées puissent recevoir le meilleur service qui soit.»
Ce n’est pas assez, estime de son côté la députée libérale Madwa-Nika Cadet, porte-parole de l’opposition officielle en matière de travail. Elle demande au ministre Boulet «de faire montre de plus de leadership et d’intervenir rapidement» afin de régler ce conflit qui «dure depuis trop longtemps»
«Alors que des corps s’entassent dans des congélateurs et que les familles sont en attente de vivre leur deuil dignement, le ministre doit prendre ses responsabilités et faire preuve d’humanité envers les familles affectées».