S’il est adopté, le projet de loi 96 va «nuire inutilement» aux immigrants et aux Autochtones, estiment les évêques anglicans Mary Irwin-Gibson et Bruce Myers. Ils implorent le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, de faire «preuve de compassion» envers ces deux groupes en apportant des modifications au projet de loi qu’il parraine.
Le projet de loi 96, dont le titre officiel est la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, affirme que «la seule langue officielle du Québec est le français». Ce texte présenté il y a un an pour adoption par l’Assemblée nationale, confirme aussi «que le français est la langue commune de la nation québécoise».
Dans une lettre remise le lundi 16 mai 2022, les évêques anglicans de Montréal et de Québec indiquent d’abord au ministre Jolin-Barrette qu’ils appuient les objectifs du projet de loi qu’il parraine.
«Non seulement nous acceptons mais nous embrassons la notion du français comme langue commune du Québec», écrivent-ils. «Nous reconnaissons également la nécessité de promouvoir la langue française dans un contexte global où l’anglais est non seulement la langue dominante ailleurs en Amérique du Nord, mais dans le monde.»
Personnes vulnérables
Mais les évêques Irwin-Gibson et Myers craignent aussi que «le projet de loi 96 ne nuise inutilement à au moins deux groupes de personnes déjà vulnérables et pour lesquels notre Église a une préoccupation particulière», les jeunes des diverses nations autochtones et les personnes qui sont forcées de quitter leur pays d’origine et qui immigrent au Québec.
Les deux évêques expliquent au ministre Jolin-Barrette que les langues traditionnelles naskapie, mohawk et abénaquise sont actuellement «dans une situation encore plus critique que le français». Ils constatent que dans les communautés de Kawawachikamach, Kahnawake et Odanak, par exemple, «des efforts héroïques sont déployés pour assurer la survie de ces langues qui étaient couramment parlées sur notre territoire bien avant que les premiers mots de français ou d’anglais y soient entendus».
Une exigence du projet de loi 96 les inquiète. C’est celle qui demande que les étudiants qui fréquentent un cégep de langue anglaise soient obligés de suivre trois cours additionnels en français afin d’obtenir leur diplôme. Québec impose ainsi aux étudiants autochtones «le fardeau de maîtriser une troisième langue», déplorent les évêques anglicans de Montréal et de Québec. Ils demandent donc au ministre Jolin-Barrette «que les étudiants autochtones qui fréquentent les cégeps de langue anglaise soient exemptés de cette exigence».
«Cruel»
Pour les immigrants, les chefs des diocèses de Montréal et de Québec ne comprennent pas pourquoi Québec veut interdire aux fonctionnaires de communiquer avec les immigrants dans une langue autre que le français après un délai de six mois de leur arrivée ici. C’est beaucoup trop court, estiment-ils.
«Il est irraisonnable, voire cruel, de s’attendre à ce qu’une personne nouvellement arrivée au Québec puisse maîtriser la langue française en quelques mois, tout en devant en même temps naviguer à travers la multiplicité de facteurs impliqués dans l’établissement d’un foyer dans un pays nouveau et inconnu.»
Les deux évêques proposent au ministre de «modifier le délai de mise en place de cette disposition de six mois à deux ans».
En intégrant les deux amendements qu’ils suggèrent au projet de loi 96, le ministre Simon Jolin-Barrette «ferait preuve de compassion envers deux groupes de personnes qui n’ont pas besoin que de nouveaux obstacles soient placés dans leur cheminement vers l’épanouissement de leur potentiel et de leur contribution à la vie commune de ce Québec que nous aimons et où il fait bon vivre», écrivent les évêques anglicans Mary Irwin-Gibson et Bruce Myers.
Les débats sur l’adoption du projet de loi 96 ont été ajournés le jeudi 12 mai. Présents dans leurs circonscriptions cette semaine, les députés seront de retour à l’Assemblée nationale le mardi 24 mai.