Des salles de prières seront aménagées au Centre des congrès de Québec à l’occasion du congrès du Parti conservateur du Canada (PCC). En juin, la direction du Centre avait résilié le contrat de location octroyé à un groupe évangélique. Ses activités religieuses et ses opinions sur l’avortement étaient jugées en «contradiction avec les principes fondamentaux du Québec».
Les délégués qui participeront au congrès du PCC en fin de semaine pourront se recueillir dans deux salles de prières préparées à leur intention. L’horaire du congrès mentionne aussi que les militants conservateurs juifs auront aussi la possibilité d’observer le sabbat dès le vendredi soir et de participer à un service rituel, tout juste après que Pierre Poilievre, le chef du parti, ne prononce un discours.
Le congrès du PCC débute le jeudi 7 septembre au Centre des congrès de Québec, une société d’État.
Il y a trois mois, le président-directeur général du Centre des congrès de Québec résiliait pourtant le contrat de location que le groupe Harvest Ministries International avait signé avec cette société d’État afin d’y tenir un événement religieux du 23 juin au 2 juillet. Les autorités gouvernementales avaient jugé les activités du groupe et notamment ses positions sur l’avortement en «contradiction avec les principes fondamentaux du Québec».
Pierre-Michel Bouchard, le président-directeur général de la Société du Centre des congrès de Québec n’a pas voulu émettre de commentaires sur l’aménagement de salles de prières multiconfessionnelles ou juives par le PCC durant son congrès. «Il n’y aura aucun commentaire de notre côté», a indiqué Ann Cantin, la directrice des communications du Centre des congrès de Québec.
La ministre du Tourisme Caroline Proulx a aussi refusé de répondre aux questions de Présence sur la différence de traitement accordé à une Église évangélique et à un parti politique fédéral par le Centre des congrès de Québec. «On ne fera pas de commentaires à ce stade-ci» puisque «le dossier est actuellement devant les tribunaux», a répondu l’attachée de presse de la ministre Proulx. (Le mois dernier, le pasteur et musicien Art Lucier ainsi qu’Harvest Ministries International ont intenté une poursuite contre le Centre des congrès de Québec, la ministre du Tourisme Caroline Proulx et le gouvernement québécois, leur reprochant d’avoir «désigné Harvest à la vindicte populaire en raison de ses opinions religieuses et politiques soi-disant contraires aux »principes fondamentaux du Québec »».)
L’avocat qui défend ce groupe évangélique n’était pas au courant de la tenue de ces activités religieuses, en fin de semaine, durant le congrès conservateur. En entrevue, Olivier Séguin se demande si le fait qu’elles soient maintenant tolérées par le Centre des congrès de Québec n’est pas une façon «d’étouffer» ce que la ministre Caroline Proulx avait ordonné trois mois plus tôt.
«Elle avait donné des instructions claires au Centre des congrès de Québec de ne plus tenir des événements qui seraient contraires aux principes du Québec», rappelle Me Séguin. «C’est comme si aujourd’hui, on assiste à une tentative de mettre des bémols sur ce qu’on a déclaré précédemment.»
Au mois de juin, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) s’était dite préoccupée devant «l’intention du gouvernement d’évaluer au cas par cas la tenue de certains événements sur des lieux lui appartenant».
Selon la CDPDJ, une telle procédure «soulève des questions fondamentales relatives à la protection des droits garantis par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, notamment à la liberté d’expression et son exercice en pleine égalité».
La ministre du Tourisme et le président-directeur-général de la Société du Centre des congrès de Québec n’avaient pas réagi à la mise en garde de la CDPDJ. Ils n’avaient pas non plus révisé leur décision contre Harvest Ministries International.
Lobby pro-vie
En juin, la ministre Caroline Proulx indiquait que les activités anti-avortement d’Harvest Ministries International avaient incité le gouvernement à résilier le contrat de location octroyé au groupe évangélique.
«Notre gouvernement est résolument pro-choix. Et c’est un sujet qui fait largement consensus au Québec», avait indiqué son cabinet dans un échange de courriels avec le journaliste et analyste politique Sébastien Bovet de Radio-Canada.
Cette réaction n’est pas passée inaperçue parmi les groupes pro-vie du Canada qui contestent depuis plusieurs années les positions pro-choix du gouvernement fédéral et des différents gouvernements provinciaux.
Ces groupes ont déjà indiqué qu’ils seraient bien visibles à Québec lors du congrès du PCC.
Résolutions pro-famille
«Nous ne serons pas là pour faire la louange du parti ni de son chef, mais pour influencer positivement le cours du congrès et ses prises de position par rapport aux enjeux de la foi, la famille et la vie, de la conception à la mort naturelle», affirme Georges Buscemi, le président de cet organisme, qui a obtenu le titre d’observateur non-membre.
«Plusieurs des politiques pro-vie et pro-famille que nous soutenons seront votées» lors du congrès du PCC, se réjouit de son côté Jeff Gunnarson, le président national de Campaign Life Coalition (CLC). Il souhaite que la forte présence de militants de son groupe en fin de semaine prochaine à Québec fasse «évoluer le parti vers des positions plus vertueuses et davantage pro-vie».
Jack Fonseca, le directeur des opérations politiques de CLC, ne sait pas combien de «délégués pro-vie et pro-famille seront présents au congrès» de Québec, mais il se montre optimiste. «Nous pensons que nous aurons le nombre nécessaire pour inscrire des politiques de bon sens» dans les politiques officielles du PCC.
Parmi ces «politiques de bon sens» que les délégués auront à approuver ou non en fin de semaine, Jack Fonseca pense à ces «deux merveilleuses résolutions qui combattent le cancer de l’idéologie du genre dans la société» en interdisant notamment «les interventions médicales ou chirurgicales qui changent la vie des mineurs de moins de dix-huit ans pour traiter la confusion ou la dysphorie de genre».
«Une autre s’engage à tenir les hommes biologiques à l’écart des espaces intimes des femmes tels que les toilettes, les douches et les prisons, tout en protégeant les sports féminins où les hommes biologiques ont absolument détruit les athlètes féminines et brisé leur rêve de remporter l’or.»
Campaign Life Coalition souhaite aussi que le congrès renforce «la détermination du PCC à lutter contre le régime d’euthanasie incontrôlé [du gouvernement de] Justin Trudeau, qui cible désormais les personnes dépressives et les malades mentaux, ainsi que les personnes sans-abri et les pauvres». Une autre résolution appuyée par les militants de l’organisme pro-vie «vise à protéger les droits de conscience des Canadiens qui s’opposent à l’administration de vaccins contraires à l’éthique ou immoraux». C’est le cas du vaccin contre la COVID-19, qui, selon Jack Fonseca, aurait été produit ou testé «en utilisant les restes de bébés humains avortés».
Ces résolutions seront-elles adoptées ou rejetées?
Georges Buscemi pense que les probabilités qu’elles soient adoptées sont bonnes. «Ce n’est pas gagné d’avance, mais nous avons un espoir fondé qu’au moins quelques-unes de ces résolutions recevront l’aval d’une majorité de délégués», indique le président de Campagne Québec-Vie qui ne peut s’empêcher de noter l’ironie de la situation. Ces résolutions seront débattues au Centre des congrès de Québec, «l’endroit même qui, à la demande de la ministre du Tourisme Caroline Proulx, avait expulsé un groupe de chrétiens pro-vie» en juin 2023, a-t-il mentionné à ses membres.
Jack Fonseca sera aussi présent au Centre des congrès de Québec en fin de semaine. Il n’hésitera pas à exprimer son opinion sur la décision des administrateurs de résilier le contrat de location qu’avait signé Harvest Ministries International au début de l’année 2023.
«C’est de la discrimination», dit ce responsable de Campaign Life Coalition. «C’est contraire à l’éthique et à la loi, c’est une décision empreinte de sectarisme et tout à fait honteuse.»
Cette semaine, une des intentions de prière hebdomadaires que le groupe Harvest Ministries International achemine à ses membres et sympathisants les invite à prier pour le bon déroulement du congrès du Parti conservateur du Canada.